A l’instar d’un Damian Chazelle (« Whiplash », « La La Land », ...) ou, plus approchant et pour rester dans le cinéma de genre, d’un Ari Aster (« Hérédité » et « Midsommar ») et d’un M. Night Shyamalan (« Sixième sens », « Incassable »), Jordan Peele a été intronisé dans le cercle très fermés des jeunes réalisateurs actuels sur lesquels il va falloir compter après ses deux premiers films. Après avoir surpris son monde avec le thriller social de bonne facture mais peut-être un peu trop surévalué « Get Out », il a remis le couvert avec le très ambitieux, puissant et étrange « Us » dont la fin nous avait laissé sur notre faim. Pour son troisième film, Peele quitte l’univers des petits budgets de chez Blumhouse pour tenter l’expérience hollywoodienne avec son plus gros film en termes de budget: une œuvre mystérieuse tournée vers la science-fiction, à cheval entre Spielberg et, justement, Shyamalan (on pense notamment à « Signes »). Mais si l’auteur ose, tente des choses inédites, s’amuse et innove avec ce « Nope », il déconcerte aussi beaucoup et livre là son film le plus raté ou le moins réussi, c’est selon.
En fait, dans « Nope », c’est simple, on alterne le très mauvais avec des idées folles et incroyables mais aussi les choix hasardeux avec des séquences de génie. Du très bon et du très mauvais en constante forces artistiques opposées. Concernant les défauts, on n’hésitera pas à dire que le long-métrage est particulièrement long à démarrer. La première heure est remplie de séquences inutiles voire trop longues ou étirées. Il y a des tunnels de dialogues inintéressants et une sorte de statisme qui nous ferait presque décrocher. Il semblerait que ce soit pour mieux connaître les protagonistes mais, pas de chance, ils ne sont guère intrigants ou attachants. Si Keke Palmer apporte du dynamisme et un peu de folie à son personnage, Daniel Kaaluya est totalement éteint. Et on ne sait plus si c’est lui qui joue mal ou son personnage qui veut cela, et donc qu’il aurait été très mal écrit et développé par Peele. Quant aux seconds rôles, ils n’ont guère d’intérêt. Ensuite, l’analyse de notre rapport aux images couplée à celle de notre rapport aux animaux est certes présente mais très difficile à déceler. A tel point que l’on pourrait se demander si elle n’est pas fabulée ou qu’elle n’a pas été inventée par les critiques. Le parallèle entre les scènes avec le chimpanzé Gordy et ce qui se passe avec l’alien est d’ailleurs soit volontairement sibyllin pour faire cogiter le spectateur, soit complètement foireux et tiré par les cheveux ou tout simplement pas assez bien illustré. Ce côté trop cryptique qui le rapproche encore de Shyamalan avec ces twists décoiffants mais en version plus prétentieuse vire à une forme de nombrilisme et de préciosité dérangeante et finalement stérile.
On trouve donc le temps un peu long avec ce nouvel opus de Peele malgré un effort pour situer son action dans un contexte totalement original qui donne d’ailleurs une valeur ajoutée insoupçonnée à ce « Nope ». Cette vallée perdue de Californie où se trouve un ranch pour chevaux de cinéma rend très bien sur le grand écran et permet de somptueux plans. Ensuite, dès que les choses commencent à devenir sérieuses au niveau de la menace extraterrestre, le cinéaste nous gratifie, comme avec « Get out » ou « Us », de quelques séquences dantesques. Des moments de frousse et de flippe très inventives et probantes comme celle dans l’écurie, qui glace le sang, ou celle du cache-cache avec les nuages (l’idée folle du film). On a donc droit à quelques frissons qui disparaissent vite quand on découvre davantage l’alien, au design très particulier dans la dernière partie. On hésite d’ailleurs entre ridicule et avant-gardisme... Si la critique de l’exploitation animale et de la course aux images chocs est le prétexte pour donner un cachet un peu intello trop voyant à « Nope », il n’en demeure pas moins que malgré son originalité ce film apparaît décousu et quelque peu fastidieux. Ce n’est pas mauvais grâce à de bons effets spéciaux et des idées à la pelle mais cela confirme que Peele est tout de même peut-être un peu surévalué ou alors clivant mais qu’il ne mérite pas un tel plébiscite généralisé.
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