Si la curiosité pouvait nous faire reconsidérer cette seconde adaptation de Kenneth Branagh, sachant son regrettable « Crime de l’Orient Express », il nous serait impossible d’imaginer atteindre aussi rapidement le seuil de médiocrité. Ce que transpire ce joyeux d’Agatha Christie, ce n’est plus la magnifique photo, édifiée dans la version de John Guillermin en 1978, ce sera plutôt la mauvaise tranche momifiée d’un plateau Égyptien, factice et dénuée de la rêverie promise. Hercule Poirot de nouveau à la barre, toujours pas de Miss Marple pour le cinéaste britannique, l’aventure le long du célèbre fleuve des années 30 pouvait interpeller, malheureusement pour un châtiment dont il n’est pas près d’échapper.
La séquence d’ouverture sondait toutefois l’espoir, quant à sa réalisation et son sens du cadre, choses que l’on ne retrouvera plus après cela, hélas. Et quand bien même, cette introduction cherche à explorer les cicatrices et le passé amoureux du détective belge, il serait vain de considérer ses faits d’armes comme un enjeu d’importance, si ce n’est pour nous les rappeler en dénouement. Avec l’âme d’un Shakespeare qui ne semble pas vouloir cohabiter avec l’univers de l’écrivaine, Branagh s’embarque dans une croisière qui n’a plus rien de palpable, plus rien d’étincelant, quand tout sonne faux, du décor jusque dans les dialogues. D’ailleurs, il sera compliqué de passer à côté de la justesse technique des fonds verts et autres caméras qui voltigeront pour un rien. Le sentiment de grandiose semble vouloir habiter chaque instant, alors que tout semble avoir été maladroitement introduit, une fois la galerie de personnages présentés.
Le réalisateur n’hésite donc pas à aller jusqu’au bout de son idée, louable dans l’intention, mais qui sera plus difficile à encaisser à la vue d’une telle indigence dans sa pauvre mise en scène. Il ajoute et déforme évidemment des éléments du roman, mais ne font que gonfler le volume du récit, déjà inutilement dense. On se perd dans autant d’accusations qui ne superposent aucune tension et c’est bien un problème lorsque l’on a des crimes à élucider. L’identité du, voire des coupables, ne semblent pas l’intéressé plus que cela, ce qui aurait pu davantage développer le profil de certains passagers, modernisés par ses soins. Mais pas de festin à l’arrivée, juste le prolongement d’un flottement qui dure depuis trop longtemps. L’ex-fiancée peut effrayer, mais disparaît dans un sommeil scénaristique, qui préfère icôniser des plans absurdes, où la mariée prête ses traits à Cléopâtre.
Il est donc consternant de se présenter devant un « Mort sur le Nil » (Death on the Nile), qui grille toutes ses cartes d’entrée et qui ne cherche pas plus que cela à rendre la lune de miel plus sucrée ou digeste. Si c’est avec un œil plus désabusé qu’il convient de le découvrir, c’est déjà un sacrilège rien que d’y songer, non pas que le support mérite simplement plus d’attention. Mais que l’on développe au moins les déboires de l’amour et de ses conséquences sur ceux qui la convoiterait, au lieu de distiller des paillettes numériques qui ont tendance à nous renvoyer dans une salle sombre, où l’intérêt se perd de minute en minute. Un Poirot mélancolique n’a pas eu son compte et nous aurons au moins cela en commun avec cette relecture qui coule à pic.