Pourtant, cela démarrait bien. Un début qui brouille les pistes, laissant espérer un récit parallèle assez prenant, puis un flashback séduisant, contextualisant habilement la situation pour nous mettre en conditions quant aux futurs événements. D'ailleurs, cette idée de faire réapparaître soudainement la femme aimée disparue vingt ans plus tôt, je la trouvais belle et très intéressante, la promesse de situations complexes, douloureuses et fortes émotionnellement. Si c'est vaguement le cas au départ, Arnaud Desplechin dépassionne tellement le sujet, rend les situations et les réactions (le "pétage de câble" de Mathieu Amalric excepté) tellement peu crédibles que l'on passe totalement à côté, aussi bien dans la manière que Carlotta a d'occuper l'espace vital du couple que le comportement de Sylvia. Cette histoire, le réalisateur n'en fait quasiment rien, alors qu'il avait une occasion exceptionnelle d'offrir un trio amoureux unique. Les comédiens font ce qu'ils peuvent, parfois avec excès ou maladroitement (je pense, évidemment, à Amalric), Marion Cotillard s'en sortant plutôt bien avec le peu qu'elle a
(pour ceux que ça intéresse, on la voit entièrement nue quelques secondes, la gent masculine n'aura pas totalement perdu son temps)
. Dans la deuxième partie, Desplechin ne fait même plus semblant de s'intéresser, se focalisant sur le (non-)récit du tournage sur lequel son héros est censé travailler, en profitant pour raconter la suite de ce récit d'espionnage qui, sans être captivant, semble beaucoup plus le préoccuper que son intrigue principale, qu'il ne se donne d'ailleurs même la peine de conclure correctement, nous expliquant juste vite fait que
Carlotta est repartie et que désormais le couple "légitime" attend un enfant
: super. Je ne peux même pas parler de colère, pas plus de frustration tant le film ne semble en définitive jamais avoir commencé. Surtout de l'incompréhension : celle d'avoir une matière aussi prometteuse pour n'en faire strictement rien, à l'exception de premières minutes sans lendemain, où l'ami Arnaud nous montre qu'il était décidé à offrir l’œuvre attendue avant de changer d'avis et renoncer à quasiment toute ambition, ces premières minutes apparaissant presque comme de la poudre aux yeux pour nous "consoler" du titre que nous n'aurons finalement jamais. Pas très "sport", tout ça...