Face aux déceptions perpétuelles du genre super-héros dans le cinéma américain, il semblerait qu'une nouvelle alternative ait émergé au moment où Disney commençait à se répéter, et Warner à sombrer : On l'appelle Jeeg Robot, film italien multipliant les références et mélangeant les genres avec un savoir faire plaisant, sans pour autant tomber dans une réflexion poussive et prétentieuse sur le genre dont il s'inspire, apporte un regain d'air frais à un cinéma devenu paresse et répétition commerciale.
Quand on voit le désastre des productions sorties en 2019, il paraît judicieux de revoir (ou de découvrir) cette petite série b italienne trouvant sa valeur dans son honnêteté, sa simplicité ainsi que l'originalité avec laquelle elle gère le pouvoir de son personnage phare. Si l'on comprend difficilement, au départ, d'où lui viennent ses fameux pouvoirs, on omettra l'introduction confuse pour mieux la comprendre ensuite, quand les personnages reviendront dessus et que l'intrigue sera pleinement lancée.
Sans trop nous prendre par la main, Lo chiamavano Jeeg Robot (vous l'aurez compris, de son titre original) avance son intrigue avec une certaine humanité, amenant au spectateur une vision plus intimiste de la figure du super-héros. Pour ce faire, il accumule les références à d'autres films internationalement réputés comme des oeuvres de référence, quand il ne cite pas les personnages phares des grandes firmes du genre, en switchant notamment entre des citations des personnages phares de Marvel et DC.
S'il tente de développer un côté méta réflexif à la [Incassable][1] (jusqu'à reprendre la scène du stade), c'est [Léon][2] qu'il citera le plus dans la relation qu'entretient le terriblement médiocre personnage de Claudio Santamara avec la gamine au visage de vice interprétée par une Ilenia Pastorelli visiblement beaucoup trop âgée pour interpréter une fille d'à peine 15 ans (pour rappel, elle est née en 1985).
S'il s'enferme dans une série de références cinématographiques pour gagner ensuite son indépendance et développer une intrigue surprenante, il retombera, une fois survenue la menace finale, dans la reprise des succès anglophones. Quand Luca Marinelli s'imposera comme l'antagoniste principal de l'oeuvre, le réalisateur, Gabriele Mainetti, se calquera pour son premier long-métrage sur le ton décalé des compères Guy Ritchie et Matthew Vaughn, prenant autant de l'idiotie des personnages de Snatch que de l'ultraviolence esthétique et grotesque de l'excellent Kick Ass.
S'il ne manquera pas de pomper pour s'assurer de n'avoir aucune personnalité, On l'appelle Jeeg Robot s'enfermera lui-même dans la farce héroïque par l'évolution d'aspect de son antagoniste : à la base mélange parfait entre Jake Gyllenhaal et The Crow, il évoluera à mesure que le film partira dans son délire de super-pouvoirs surpuissants en vision anachronique d'un Alice Cooper periode disco.
Certes parodique, il n'en demeurera pas moins sans aucune crédibilité, rendant illégitime et peu trépidant ses super-plans de destruction de masse. Si l'on louera l'idée (certes commune) d'incruster les réseaux sociaux dans la diffusion d'une tuerie monumentale (remercions encore Kick Ass), principal moment de gloire d'un méchant qui ne s'était pas encore caricaturé à trop se vouloir devenir sous Joker, les répétitions de clichés et de motivations destructrices des antagonistes de comics que l'on retrouvera à foison dans la scène de rencontre au stade (couplées à la recherche permanente des meilleures punchlines pour être toujours plus crédible et intimidant) témoigneront d'une inversion de ce que proposait initialement On l'appelle Jeeg Robot.
Lui qui débutait avec humour noir et son ton décalé de ramassis de personnages salauds et profiteurs vire, par un drame certes bienvenu mais toujours très convenu, dans ce que les américains font de plus classique, là où les italiens pouvaient, comme avec le western en leur temps, apporter une vision moins idéalisée, propre, gentillette de la figure super-héroïque.
Comme s'il avait perdu son courage en route (la scène de presque viol dans la cabine d'essayage reste un sacré pied de nez au super-héros purement héroïque), le film trouve l'excuse de la rédemption du pécheur pour nous livrer une seconde partie d'intrigue beaucoup trop classique et sans grande folie, qui rappelle trop pour ce qu'elle invente trop peu. La première heure, jusqu'à la seconde transformation, était pourtant passionnante.
A l'image de sa mise en , On l'appelle Jeeg Robot est un film en demi-teinte, ni trop fade ni trop expérimental, ni trop noir ni trop blanc, entre le terne et le gris profond. Violent mais comique, amoral sur son départ devenu moralisateur par une rédemption de tous les étages, il quitte peu à peu le cinéma indépendant pour épouser la structure répétitive et sans grande imagination des films de super-héros grand public actuels.
Décidément, le genre serait-il voué à se répéter jusqu'à n'intéresser plus personne?