Ceci n'est pas un film, c'est une oeuvre d'art. Le précurseur Fritz Lang signe là une merveille cinématographique d'ailleurs la seule classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Le scénario est d'une telle force, d'une telle vérité si proche de l'Histoire du vingtième siècle et pourtant réalisé dès 1927 ! La mise en scène est lente dans le bon sens du terme, juste assez pour que le spectateur soit abreuvé de détails, de plans parfaitement éxécutés et d'effets spéciaux admirables pour l'époque. Et même aujourd'hui le carton - pâte, les maquettes et les mannequins ne paraissent pas ridicules, loin de là, mais plutôt authentiques. Le jeu d'acteur avec ses exagérations, ses mimiques et ses parades théâtrales viennent du fait que ce film est muet et l'action se doit donc d' être plus rythmée, et quelle réussite ! Brigitte Helm est magnifique, Alfred Abel d'une justesse incroyable. Que dire des scènes ou des centaines de figurants se meuvent à la perfection dans des ballets, des rebellions, dans la panique générale. Il y avait pas moins de 35 000 figurants hommes, femmes et enfants ! Lang se permet le luxe de faire de la très bonne science- fiction avec notamment l' Humain- Machine, une prouesse pour l'époque. Ma scène favorite est celle de l'inondation de la ville souterraine, ou tout est réglé comme du papier à musique, des décors parfaits au cadrage / plans de vues magnifiques en passant par la coordination des 250 enfants présents lors de cette séquence haletante. Sans oublier la bande - son interprétée par Huppertz et son orchestre, qui donne carrément une ambiance passionnante, folle et d'une intensité épique. Derrière ce travail colossal, il y a également une pensée, voire une philosophie : En effet, dans la ville de Metropolis, les classes supérieures qui détiennent le pouvoir, le savoir vivent à l'air dans une ville luxueuse, ou le divertissement, le sport et l'oisiveté sont rois. Tandis que dans la ville basse sont entassés les ouvriers qui font tourner les rouages de toute la Ville. Entre ces deux mondes qui ne peuvent s'entendre doit intervenir le Médiateur : "Entre le cerveau et la main, le médiateur doit être le coeur" (sorte d'Hymne global du film). Bref, nos deux héros représentent le coeur, les ouvriers la main et les dirigeants sont le Cerveau. A partir de là, chacun peut interpréter les choses comme bon lui semble; on peut y voir une allégorie de la dictature (en 1927 les nazis montent en puissance) de la Bible ( comparaison christique) de la création d'un mouvement "futuriste" (cyberpunk, "Blade Runner"...) ou bien d'autres choses encore, le monde ouvert par Lang est de toute façon si vaste que de nombreux auteurs, réalisateurs, dessinateurs ou créateurs de jeux vidéos s'en sont inspirés. En tout les cas, cette oeuvre est d'une telle richesse qu' on se doit de la voir au moins une fois. Monumental.