Je ne m’attendais vraiment pas à pouvoir saluer cette version 2018 de Halloween, l’expérience m’ayant appris qu’en matière de remake de Classiques du cinéma de genre, espérer l’échec pour pouvoir se satisfaire du médiocre était une attitude parfaitement raisonnable. Bien sûr, la mission de relancer la machine avait cette fois été confiée à un auteur plutôt qu’à un faiseur, un auteur qui plus est connu pour soigner ses personnages, ses scénarios et ses atmosphères mais on pouvait craindre qu’il ne se retrouve quand même prisonnier du mythe. Il y a une dizaine d’années, avec les remakes des deux premiers épisodes, Rob Zombie avait fait tout son possible pour imposer sa personnalité tout en respectant l’oeuvre originale (qui avait de toute façon déjà été largement trahie par une tripotée de suites de plus en plus incohérentes) : sa vision avait été diversement reçue ; pour ma part, je l’avais trouvée largement à la hauteur. Pour cette nouvelle version, on est loin de la relecture viscérale et redneck de Zombie, Halloween cuvée 2018, c’est...autre chose. Est-ce un décalque décalé dans le temps ? Un reboot de la série à deux générations d’intervalle ? On ne peut pas nier les similitudes entre ce film et son prédécesseur de 1978 (puisqu’il est entendu que dans cette nouvelle version, tout ce qui a existé après 1978 n’existe plus ) et pourtant, ce n’est pas non plus une simple copie adaptée aux goûts du public contemporain. Bien sûr, tout est fait pour que le fan du premier film se sente en terrain de connaissance: l’immortel thème musical, revu et corrigé par John Carpenter lui-même, résonne régulièrement, on retrouve des gimmicks familiers, comme la silhouette immobile de Myers se découpant dans l’obscurité ou son pas lent et tranquille qui précède l’attaque brutale, et certaines scènes sont revues à l’identique avec de subtiles variations. Pour les retrouvailles de Mike Myers, à qui la vision de son vieux masque rappelle qu’il a un travail à terminer et de Laurie Strode, vieille dame qui a passé sa vie en pleine paranoïa sécuritaire et qui n’attend que ça, les notions de prédateur et de victime ne sont plus aussi évidentes : la proie, qu’il y a un côté émouvant à retrouver après tant d’années, est préparée à l’assaut, l’aura de croque-mitaine surnaturel du tueur est moins évidente. J’ai revu ‘La nuits des masques’ quelques jours avant cette nouvelle version et il faut bien admettre que si sa stature de Classique ne fait aucun doute et qu’il a somme toute bien vieilli, il n’en a pas moins...vieilli. A ce titre, le défi de l’amener dans le 21ème siècle sans le trahir était audacieux : Halloween 2018 semblera 100% moderne à toute personne qui méconnaîtrait l’original, mais il ne succombe jamais aux facilités “jump-scaresques� du film d’horreur pop-orn pour ados. Quoique faisant partie du sous-genre cinématographique le plus bête du monde, celui qui laisse le moins de place à l’originalité, ‘Halloween’ a été (re)pensé comme un véritable film, et non comme une simple machine à ramener à cash à partir d’un investissement minimal. J’ai l’impression que David Gordon Green avait reçu des consignes a priori irréconciliables, quelque chose comme l’obligation de faire du Carpenter sans refaire du Carpenter...ou de ne pas refaire du Carpenter tout en faisant du Carpenter. D’une manière ou d’une autre, c’est pourtant ce qu’il est parvenu à faire, gérant tout à la fois l’hommage, l’actualisation et la continuité de ce Classique et qui dans l’exercice d’équilibriste de extrême requis lorsqu’on s’attaque à un monument, s’en tire vraiment très bien.