New York, 15 janvier 2009 : une date qui a marqué le monde entier quand ce dernier a découvert avec stupeur puis admiration qu’un vol intérieur de la compagnie aérienne US Airways n°1549 a amerri sur l’Hudson sans bobo à 15h31 (heure locale), soit 5 minutes seulement après son décollage de l'aéroport international de LaGuardia. A travers un reportage, j’avais eu l’occasion d’entendre l’enregistrement des conversations échangées entre les contrôleurs aériens et le commandant de bord Chesley Burnett Sullenberger. J’avais alors été bluffé par le calme et la sérénité qui se dégageaient de la voix du pilote. Pas même une once d’inquiétude perceptible. Impressionnant. Au contraire, il paraissait sûr de son fait. J’avais également appris qu’il avait été un peu dépassé par les événements de l’après incident, parce qu’il ne comprenait pas bien pourquoi le Conseil national de la sécurité des transports, le N.T.S.B. (acronyme anglais de National Transportation Safety Board) lui cherchait des poux dans la tête. Mais il était dépassé aussi et surtout par l’impact médiatique et le déferlement de l’admiration frénétique de la population. Dépassé parce que Chesley Sullenberger ne s’est jamais considéré comme un héros, seulement comme un pilote qui a fait son job, du mieux qu’il pouvait. D’ailleurs Arthur H a dit un jour que "le véritable héroïsme est remarquablement sobre, pas du tout dramatique ; il ne réside pas dans l'envie de dépasser les autres à tout prix, mais dans l’envie de servir les autres à tout prix". Cette citation est particulièrement vraie dans ce qu'on appelle aujourd'hui "le miracle de l'Hudson". J’avoue que j’attendais de retrouver tout cela dans "Sully". Dans le cas contraire, j’aurai été très sévère, car c’est tout de même une histoire hors du commun. S’appuyant sur le bouquin écrit par le pilote et son copilote, ainsi que sur des rencontres, le scénariste et le réalisateur ont bien compris la personnalité de cet homme, y compris Tom Hanks, lui qui a eu la lourde tâche d’endosser le rôle-titre. Son talent a fait le reste, interprétant avec brio le professionnalisme, l’humilité, les immanquables doutes a posteriori, jusqu’aux pires scenarii qui l’avaient effleuré ne serait-ce que quelques dixièmes de secondes pour hanter son esprit et transformer ses moments de réflexion et ses rêves en visions cauchemardesques. Un Tom Hanks en grande forme caché derrière une remarquable sobriété. Aaron Eckhart en copilote lui donne parfaitement la réplique, si bien que nous aurions du mal à dissocier les deux hommes malgré une tenue faussement décontractée du copilote. Les seconds rôles, notamment ceux du N.T.S.B., sont formidablement mis en valeur par Clint Eastwood, simplement parce que ce dernier a su mettre le doigt sur les deux notions sur lesquelles repose toute cette affaire
: le facteur humain, comme à son habitude, du reste) et le timing
. Le cinéaste signe une réalisation sobre comme il sait si bien les faire, dotée d’une photographie léchée, et portée par une jolie partition de Christian Jacob. Nous sommes donc loin, très loin de la violence à laquelle il nous avait habitués, qu’elle fût clairement exprimée ou sourde. On ressent néanmoins le ton accusateur des enquêteurs, sans jamais tomber dans l’exagération. Après tout, le prix d’un avion n’est pas le même que celui d’une chemise... "Sully" s'attarde donc plus sur sur le portrait de ce commandant de bord et (dans une moindre mesure) de son équipier à travers l'enquête. La reconstitution est plutôt bien faite, et le récit n’est jamais plombé par les flash-backs, bien au contraire. Une réalisation élégante, ponctuée par des images d’archives qui se poursuivent lors du générique de fin par l’intermédiaire de deux vidéos avec les vrais acteurs de cet exploit retentissant. Juste je m’interroge sur le fait que tout le monde ait pu donner aussi facilement un diminutif à ce Monsieur Sullenberger. Pour finir, je trouve dommage que le facteur chance ne soit pas évoqué plus que ça, car comme l'a déclaré un membre du B.E.A., le pilote a eu de la chance de présenter l'avion sur l'exact bon degré d'inclinaison pour éviter la dislocation, car ne l'oublions pas, un Airbus A320 n'est pas fait pour amerrir.