Le (dernier) film du regretté Pascal Chaumeil pourrait être qualifié de « comédie policière » car en réalité, son film n’est ni une pure comédie, ni vraiment un polar dans les règles de l’art. Il se situe dans un entre-deux qui fait penser, toutes proportions gardées évidemment, aux films des frères Coen. Scénarisé et surtout dialogué par Michel Blanc (et ça se sent dans les dialogues, incisifs, qui fusent parfois comme des balles de fusils), « Un petit boulot » bénéficie d’une réalisation soignée mais classique, sans effets de manche, sans esbroufe. Le rythme est soutenu, ni lent ni trépidant, on ne décroche jamais même si vers la fin, cela tire un tout petit peu en longueur. Il y a quelques scènes fortes et réussies, qui tirent le film du côté de la comédie noire et cynique, et qui lui donnent une certaine tenue, comme la première scène de commissariat (surréaliste !) ou bien toutes les scènes de « contrats », à commencer par la toute première, celle de l’épouse et de son chien. Pascal Chaumeil maitrise son film, et il est en cela aidé par deux acteurs très convaincants, Romain Duris qu’il connaissait bien et Michel Blanc. Michel Blanc est impeccable en caïd débonnaire, au sang froid apparent mais un petit peu empoté, qui surestime sans doute un peu son pouvoir. Quant à Romain Duris, que moi j’aime bien, il incarne un Jacques à la fois attachant et étrangement amoral, qui transige un peu trop facilement avec sa conscience pour qu’on y croit vraiment. Mais en même temps, cela apporte un peu de noirceur à ce type barbu, chevelu et peu soigné, un peu largué, qui pourrait faire plutôt pitié au premier abord. Les seconds rôles ne sont pas en reste, ce qui est toujours appréciable car ce n’est pas toujours le cas. Gustave Kerven en tête, ils sont également très bien croqués et incarnés et on accordera une petite mention spéciale à Axel Lutz qui compose un petit bureaucrate tellement ignoble, tellement détestable qu’on se dit que nous aussi, sur ce coup là, on pourrait accepter un contrat sur la tête de ce type sans être pétri de scrupules, et pour pas cher ! Le scénario de « Un petit boulot », je l’ai dit, lorgne plus vers la comédie noire que vers le polar, c’est net. Quand on est un peu habitué au genre « polar-thriller », on note assez vite des énormités (quand on n’a jamais tiré au révolver, normalement, cela se sent et surtout cela se voit), ou des trucs un peu trop téléphonés (le coup du stylo).Et puis la romance avec la jolie policière qui ne se doute de rien ou ne veux rien savoir, c’est un peu « too much », le scénario aurait pu faire l’impasse sur cette histoire à laquelle on croit quand même difficilement ! Les enquêtes sur les morts qui se succèdent ne sont pas très efficaces, la police tire des conclusions un peu trop vite, elle ne fouine pas vraiment, elle n’inquiète personne, elle semble elle aussi travailler « en amateur », ce qui n’est évidemment pas très crédible. Si l’on accepte de prendre le film pour ce qu’il est, c'est-à-dire une comédie noire, alors on peut marcher dans l’histoire à condition de ne pas faire trop les difficiles. Le problème, c’est qu’après un début assez prometteur, le film s’essouffle au bout d’un moment et l’on commence à se demander où Chaumeil veut en venir avec cet histoire de chômeur devenu tueur à gages et qui semble considérer ce boulot comme pas tellement différent d’un autre. Est-ce une façon de montrer par la comédie et l’absurde l’amoralité de l’époque ? Est-ce une critique sociale qui montre un ancien ouvrier honnête obligé de se jeter dans les bras du crime pour gagner quelque milliers d’euros ? Le film navigue un peu à vue et n’est pas très clair dans son propos, je trouve. En poussant un peu, on pourrait même le trouver légèrement dérangeant, car sous le verni de la comédie, il démontre avec un cynisme (qui pourrait être mal compris) qu’après tout, dans la société française de 2016, assassiner son prochain pour rendre service et pour 20 000 €, ce n’est pas une affaire si grave que cela ! Mais bon, c’est peut-être pas si caricatural que ça, quand on regarde les faits divers aujourd’hui, on se dit que « Un petit boulot » met peut-être le doigt sur quelque chose, l’air de rien, avec ses airs de comédie. C’est pour cela que je ne veux pas être trop dure avec le film de Pascal Chaumeil qui m’aura fait franchement rire par moment et m’aura fait passer 1h40 agréable. C’est une comédie à regarder au second degré, sans espérer y trouver ni suspens ni réalisme. Une comédie à apprécier pour ses dialogues très écrits, ses acteurs impliqués quelques scènes particulièrement drôles, parfois à la limite du burlesque.