Après le succès surprise du premier épisode, certes perfectible sur sa forme répétitive et son pitch un peu ridicule mais qui s’imposait comme un shot d’adrénaline assez jouissif. Il était évident que les personnes derrières le projet n’allaient pas s’arrêter là avec John Wick et qu’ils compteraient embrayer sur une suite. Un projet au final assez risqué, car le premier fonctionnait surtout sur le fait qu’il sortait de nulle part et a donc pris son spectateur au dépourvu. Faire une suite entraîne donc des attentes qui se doivent d’être comblées. Il ne faut faire ni une redite, ni même trop s’éloigner de l’original pour que le public retrouve ce qu’il avait aimé dans le précédent film. Une tâche plus ardue qu’on ne pourrait le croire attendait donc les têtes pensantes qui ont mis au monde John Wick, la plupart revenant dans cette suite, et il faut reconnaître qu’ils s’y sont appliqués avec un grand-savoir faire.
Chad Stahelski se retrouve ici tout seul pour réaliser John Wick: Chapter 2, son comparse David Leitch, qui reste quand même producteur du film, est parti suivre sa propre voie. Pourtant la réalisation ne souffre pas de ce départ, au contraire elle s’affine. Stahelski fait le choix de changer d’équipe technique avec un nouveau chef opérateur et monteur pour que l’ensemble gagne en cinégénie avec une meilleure gestion des éclairages et des cadres donnant un aspect beaucoup plus sérieux à l’entreprise. Même la musique très inspirée de Tyler Bates est mieux utilisée au sein du film, cette suite sachant aussi mieux gérer les silences pour certains passages sous tension. La mise en scène trouve donc l’opportunité d’être beaucoup plus inventive dans ses mises en situations des scènes d’action. On est loin de l’aspect répétitif du premier film, ici l’action se réinvente de scène en scène. Toujours avec ce même amour des chorégraphies, Stahelski reste près de son personnage et favorise les plans longs pour que l’on puisse totalement s’immerger avec les acteurs. Le réalisateur est clairement fasciné par la grâce féline de Keanu Reeves, ici impeccable en tueur taciturne au charisme inébranlable, et il fait de ses mouvements un vrai spectacle visuel, que ce soit sa manière de se battre, sa garde, sa façon de recharger une arme… etc. L’implication de l’acteur est totale d’autant plus que rare dans le cinéma américain qui a souvent recourt aux doublures pour les passages plus musclés. Ici le rapport entre le réalisateur et sa star est presque amoureux, on assiste à des danses funèbres élaborées et virtuoses qui ont une puissance cathartique fascinante. Comme cette longue fusillade sous des catacombes romaines qui, par sa gestion magistrale de la lumière et des chorégraphies, en est totalement hypnotique. Mais ce qui est d’autant plus admirable c’est que Stahelski a compris que c’est parfois par la simplicité que vient l’efficacité, comme le prouve une rixe au corps à corps dans un escalier qui offre une habile utilisation du champ/contre-champ.
Dans la conception de son univers, John Wick: Chapter 2 digère aussi mieux ses influences. On pense fortement au cinéma d’action asiatique, avec John Woo, en tête mais il évoque aussi des cinémas plus posés et cérébraux comme lorsqu’il explore une paranoïa maladive que n’aurait pas renié un Hitchcock. Le monde criminel parallèle où évolue John Wick est au final assez proche du nôtre, notamment dans son inter-connectivité sidérante où l’on ne peut échapper au système. Avec habileté et intelligence, le scénario dépeint un monde dictatorial régit par la paranoïa et qui fait illusion par ses règles oppressives. Où le soit-disant monde civilisé n’est qu’une façade à un univers à l’animosité impossible à fuir, chacun traquant l’autre sans le moindre scrupules. Jamais John Wick 2 ne néglige son fond au profit de sa forme, et même s’il reste très caricatural dans sa façon de dépeindre ses personnages ou que son univers plonge allègrement dans le kitsch, il assume sa condition et ne prend jamais son spectateur de haut. En ayant conscience de ses limites, il arrive même souvent à en jouer avec beaucoup de malice notamment à travers ses symboliques très imagées. La représentation d’une dette de sang dans cet univers a de quoi faire sourire de prime abord, mais se révèle quelques scènes plus loin assez bien pensée au final. Le film arrive même à tirer une certaine poésie de ses séquences par moments. Comme une scène de suicide inattendue qui vire dans un style baroque bien senti et mettant en valeur le sens de l’honneur déformé qui régit ce monde du crime. Cependant, le film n’évite pas non plus un premier quart d’heure trop caricatural, réintroduisant le personnage de façon peu subtile et évoquant le premier opus de manière bancale, laissant présager le pire pour la suite. Heureusement il n’en sera rien, malgré un casting qui ne brille pas par son talent en dehors de l’action, ou un passage en présence de Laurence Fishburne qui est particulièrement inutile. Il n’est là que pour tirer sur une certaine corde nostalgique.
John Wick: Chapter 2 est une suite supérieure à son aîné en tous points. Plus abouti et virtuose sur sa forme tout en embrassant avec intelligence le kitsch de son univers. Le fond se révèle plus habile que prévu, même s’il est souvent handicapé par une écriture très stéréotypée. Néanmoins il explore des thèmes actuels et s’impose en œuvre paranoïaque bien plus consciente de ses enjeux qu’elle ne le laisse croire. La réflexion sur son héros se fait en finesse, l’érigeant en icône moderne qui, par son arsenal et son costume qui est partie intégrante de l’homme, en font un super-héros déviant. Au final, les rares petits défauts sont vite éclipsés par l’excellence du divertissement qui est proposé montrant avec hargne et maîtrise que la série B est un cinéma tout aussi noble qu’un autre. Avec ce John Wick: Chapter 2, on se retrouve face à une saga qui a le potentiel d’être aussi culte que Die Hard ou l’Arme fatale en leur temps, surtout avec les promesses vertigineuses qui sont déjà faites pour le troisième chapitre. Film d’action comme les productions US n’en faisaient plus, et en revival explosif de l’actionner des années 80/90 aussi habile dans le fond que dans la forme avec une star au sommet de son art, John Wick: Chapter 2 fait du bien là où il passe.