La censure est une chose détestable. Chez les mollahs, le seul "avantage" (par rapport à nos sociétés occidentales où elle gagne du terrain tous les jours, mais hypocritement) est qu'elle avance à visage découvert, même si en jargonnant - cf. le détaillé à l'extrême, grotesque autant que liberticide "cahier des charges", appliqué au film "diffusable" en "République islamique d'Iran", récité par la petite Hana, une toute petite fille déjà drapée de noir (heureusement, "bon sang ne saurait mentir", et la gamine, nièce supposée du réalisateur, a la langue bien pendue, et de la réflexion à revendre). Le réprouvé Jafar Panahi, interdit de cinéma, ne pouvant sortir de son pays, réussit quand même, avec un budget symbolique et un matériel d'amateur, à faire du cinéma (un docu-fiction ici : "Taxi" - "Taxi Téhéran", pour la sortie française, sans doute pour éviter toute confusion avec une certaine "franchise" hexagonale, aux antipodes), et s'affranchit, paradoxalement, de l'enfermement, en tournant dans l'habitacle d'un taxi, perdu dans la métropole - plus de 13 millions d'habitants pour l'agglomération téhéranaise. Gens du peuple comme avocate, voire marginaux, d'âges variés, connaissances et familiers comme parfaits inconnus se succèdent à l'écran, sous la houlette du cinéaste, ému, amusé, indigné (in petto), en empathie (le plus souvent) ou avec une certaine distance, figurant une ronde pittoresque, voire cocasse, teintée d'absurde, autant que désespérée, nous faisant sentir à chaque instant la terreur de la charia (n'empêchant aucune violence, aucune délinquance au quotidien - la fin appuyant sur cette constatation..), autant que le courage, ou simplement la débrouillardise, d'un peuple opprimé.
L'exercice a ses limites, et l'Ours d'Or à la dernière Berlinale est peut-être autant accordé à l'homme Panahi et à son travail d'opposant en général qu'à ce film en particulier - ?.. A vous de juger !