On se demande, à mesure qu’avance Au Nom de ma fille, si la maladresse générale n’est pas, en réalité, le symptôme d’une entreprise de sabotage d’un dossier de l’écran qui rate tout en segmentant de façon abusive les étapes importantes avec ellipses, fondus au noir, dates et lieux. Le montage charcutier pulvérise des moments de l’enquête comme le ferait une fiche documentaire retraçant schématiquement les faits, au détriment de notre immersion dans un récit illustratif, au détriment des acteurs réduits ici à des fantoches caricaturant, non par mauvais jeu mais par absence d’espace un tant soit peu suffisant pour jouer, les rôles qu’ils interprètent.
L’évolution psychologique des personnages s’avère grossière : le père se transforme en fou sans que le film ne construise le processus d’aliénation et le reniement du soi pour la défense de l’autre, sa fille ; la mère brille par son absence ou son emprise, sans que, une fois encore, ces questions ne disposent d’un traitement suffisant pour interroger la dépendance, l’attraction exercée par un homme sur des femmes et des filles. Dit autrement, le long métrage met un fait divers en film, comme des industriels mettent en boîte une denrée, afin qu’il soit largement commercialisé et consommé ; nous sommes aux antipodes de la démarche, cinématographique et réflexive, de L’Adversaire (Nicole Garcia, 2002) avec un même Daniel Auteuil dans le rôle principal, grand acteur qui assure un semblant d’intérêt et sauve Au Nom de ma fille de la catastrophe.