C'est mon dernier film de l’année 2021.
Sachant que la version de Jerome Robbins et Robert Wise est l’un de mes films (musical) préférés et le réalisateur de « La Couleur Pourpre » l’un de mes réalisateurs favoris, l’attente était à la même hauteur que le questionnement Shakespearien de la raison d’être ou ne pas être de ce Roméo et Juliette, Jets et Sharks (Sharks 2 🤣)
Je l’ai reçu comme un cadeau de cinéma déjà par l’attente de la sortie, l’envie d’être surpris mais avec la peur de la désillusion malgré le réalisateur.
Pour moi ce film est avant tout le cadeau que Spielberg se fait à lui-même en injectant dans cette œuvre les souvenirs de son ressenti d’adolescent à la vision du film sorti il y a 60 ans combiné à la résonance de sa filmographie, à sa vision d’aujourd’hui avec la maestria du réalisateur qu’il est devenu.
C’est peut-être pour traduire cet effet de souvenir que son complice directeur de la photographie Janusz Kamiński a opté pour des effets de halos de lumière sur toute la longueur du film.
Et pour tout dire ces effets de halos, filtres et spotlight m’ont perturbé à en devenir parfois presque irritant parce qu’ils sont pratiquement de tous les plans. Pourquoi ? Pour créer un emballage aux couleurs filtrées des souvenirs ? Où celui de l’effet d’un rêve, de la romance ? Peut-être.
Mais malgré toutes ces lumières jaillissantes (je devrais dire avec), j’ai été entraîné par la dynamique des plans, l’interprétation (en particulier celle d’Ariana DeBose pour Anita), les chants, la vitalité des chorégraphies et la résonance avec la 1er version tirée de la création originale de Broadway.
De cette source, du livret d’Arthur Laurents, de la musique de Leonard Bernstein et lyrics de Stephen Sondheim, Spielberg arrive à ressortir de nouveaux aspects au récit. Une autre énergie et tonalité.
Cela par des choix structurels du scénario comme celui de changer l’ordre de quelques chansons et celui des personnages qui les interprètent avec par exemple « Cool » qui devient un duo entre Riff et Tony, ou la chorégraphie tend l’arc narratif sur la projection divergente de leur désir d’avenir. Et notamment « Somewhere » chanté par Rita Moreno (L’inoubliable Anita de 1961, qui est ici Valentina, la veuve Portoricaine de Doc qui tenait la pharmacie dans le récit initial). Cela apporte un tout autre relief au texte et de cette filiation naît une autre émotion.
Spielberg tend son film vers plus de gravité. Il l’insuffle justement dans une scène toute en apesanteur joyeuse et pétillante autour de Maria « I Feel Pretty » uniquement par la juxtaposition de l’action qui la précède.
Il traduit aussi l’état des relations humaines, de lyrisme, de malaise, par un jeu visuel de vacillement des ombres et de la lumière qui semble être souvent en mouvement. Et c’est peut-être dans cette élaboration des plans que se trouve la réponse à tous ces instants de scintillement lumineux... Des extérieurs, dans les rues de New-York éclairés du soleil et de tout feux pour le grand numéro virevoltant « America », à l’intérieur fermé et sombre de l’entrepôt de sel, ou la lumière se balance vraiment au rythme de l’intensité du combat.
Cet état est lumineusement déployé par l’ouverture même de cette scène quand les deux gangs rivaux arrivent chacun d’un côté avec cette vue en plongée du haut du hangar. L’ouverture des grandes portes laisse une lumière extérieure s’étaler sur le sol en faisant apparaître les ombres très étirées, d’abord abstraites, des Jets et Sharks en train d’entrer…
Et Lumière ! Cette photographie du lieu m’a fait écho avec une scène d’un autre film de Spielberg : l’ouverture du vaisseau spatial de « Rencontre du 3ème type » avec la surexposition lumineuse jaillissant du sas et ne laissant d’abord apparaître, avec un effet similaire, de longues ombres étirées d’abord non identifiable… nous laissant appréhender ou présager ces êtres venus d’ailleurs, ces étrangers sur notre sol de natif, terrien. Est-ce un télescopage volontaire ?
Mystère. Pour moi il se glisse comme un indice parmi bien d’autres.
Ce 35ème longs-métrages de Steven Spielberg est son nouveau grand vaisseau orchestré son et lumière, de mille halos, se jouant de l’espace temps en se posant sur le sommet d’un terroir des plus fertiles de la comédie musicale. Un rayonnement spectral de pétillance et gravité.
Boy, boy, crazy boy 🎶 wonder boy !