Une belle réussite qu’il convient de ne pas mesurer à l’aune du film éponyme (1961) de Robert Wise (son 28e film à 47 ans) et Jerome ROBBINS (sa 14e chorégraphie à 43 ans), aux 10 Oscars et tiré de la comédie musicale éponyme (1957) de Léonard BERNSTEIN (1918-1990) pour la musique, Stephen SONDHEIM (1930-2021) pour les paroles et Arthur LAURENTS (1917-2011) pour le livret, elle-même inspirée de « Roméo et Juliette » (1595), 4e tragédie de William Shakespeare (1564-1616). Le film de Spielberg (dédié à son père, Arnold, vétéran de la 2nde guerre mondiale et décédé en 2020 à 103 ans) est très proche de celui réalisé 60 ans plus tôt (il débute aussi par une vue aérienne du quartier West Side) car la musique et les chansons d’origine servent de ciment et de fil conducteur. Steven Spielberg y a mis sa touche avec la collaboration de Tony KUSHNER (la 3e) pour le scénario, d’Adam STOCKHAUSEN (2e collaboration) pour les décors (superbe reconstitution du quartier West Side alors que le film de 1961 était tourné en décors naturels) et la photographie de Janusz KAMIŃSKI (19 collaborations) : vision plus noire (le quartier West Side est en cours de démolition et ressemble plus à une zone de guerre ravagée par des bombardements), plus politique (en insistant sur le contexte de pauvreté, à la fois des Jets, d’origine européenne et des Sharks Portoricains au statut ambivalent. Porto Rico est un état libre, non membre de l’O.N.U. mais associé aux Etats-Unis, depuis le traité de Paris de 1898 qui obligea l’Espagne à rétrocéder ses possessions (avec Cuba et les Philippines) aux Etats-Unis ; ses citoyens sont Américains mais ne peuvent voter à l’élection présidentielle américaine. Un quartier où règne aussi la violence (
Tony est en libération conditionnelle pour avoir blessé gravement un jeune d’une bande rivale
) avec des bagarres très réalistes (au lieu de combats chorégraphiés chez Wise) et le racisme, malheureusement toujours d’actualité, ce qui fait du film un mélodrame proche de ceux de Douglas Sirk (1897-1987). Certaines scènes ont été tournées différemment [« America » dans les rues, au lieu du toit de l’immeuble de Bernardo, « « I feel pretty » dans un grand magasin où les femmes portoricaines font le ménage (au lieu de l’atelier de couture où travaille Maria) et « Gee, officer Krupke » dans un commissariat de police (au lieu du trottoir devant le magasin où travaille Tony] ou ajoutées (barbouillage à la peinture du drapeau portoricain par les Jets, visite d’un cloitre où Tony et Maria se déclarent leur amour). Seul bémol mais qui s’estompe au cours du film, la présence d’acteurs quasi-inconnus, n’ayant pas le charisme et la photogénie de leurs prédécesseurs : Natalie Wood (23 ans) pour Maria, George Chakiris (27 ans et qui a obtenu l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle) pour Bernardo, Russ Tamblyn (27 ans) pour Riff, Richard Beymer (23 ans) pour Tony et Rita Moreno (30 ans et qui a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle) pour Anita et qui (en plus d’être productrice déléguée) joue, 60 ans plus tard, le rôle de Valentina, la patronne de Tony, veuve d’un « gringo » (Doc dans la 1ère version). Dans la nouvelle génération, même si tous sont d’excellents danseurs, c’est surtout les actrices, pleines de charme, qui sortent leur épingle du jeu : Rachel ZEGLER (1er film à 20 ans) et Anita DEBOSE (4e film à 30 ans). Sans oublier le générique final, jeu d’ombres et de lumières sur les décors, plus esthétique que celui de Saul Bass (1920-1996), constitué de graffitis.