A la suite...
En colère d'avoir payé une séance pour être insultée, humiliée, violentée. Si le parti pris des cadres et de la mise en scène est bien de "faire vivre" les sessions, alors un avertissement est requis : propension sadomasochiste préférable. Je n'en suis pas. Donc, vivre ce film = une violence vécue.
Le Black Swan de la batterie. Oui. Dans mes vagues souvenirs de Black Swan, il y a cette violence infligée au corps, ce sang, ce caractère aigu de la blessure, comme une pointe, un clou, que l'on enfonce au dedans de soi. Je devrais revoir Black Swan, qui m'avait davantage laissé un sentiment de nécessité et de construction/déconstruction, là où Whiplash me semble gratuit et répétitif.
De la musique avant toute chose ? Ce film m'a sans doute fait sentir l'expérience la plus glaçante que j'ai jamais pu avoir en rapport avec la musique. Et puis, le jazz.. Je cherche encore le silence qui fait la musique, la courbe qui fait le cercle, le swing qui fait le mouvement. Je cherche, et ne ressens qu'un grand écho solitaire dans un univers d'angles, de murs de marbre polis, de glace.
Je n'aime pas ces personnages. Mais ont-ils jamais existé ailleurs que dans l'espace de leur caricature ? Qui sont-ils ces êtres que l'on a fait exister dans l'espace du film ? C'est un étrange mélange de désir de souhaiter faire éprouver la sensation physique, en dehors de toute sensation musicale, et de faire exister un duel, en dehors de toute présence humaine palpable.
Oui, la scène de l'accident. C'est un hors temps un hors tout. C'est la scène qui permet d'imprimer une bonne fois pour toute que le réalisme n'a jamais été l'objet d'un film tout entier sensationnaliste.
Il reste une chose. Une résultante de la violence ressentie. Des coups reçus qui ont assommé, imprimé, annihilé. Je ressors du film, une demi-heure avant de monter dans le cargo de Fidelio, l'Odysée d'Alice. Je passe prendre un kebab. Je suis toute façonnée encore par cette expérience. J'entre dans le restaurant. Je vois les faux marbres lisses, les angles nets du comptoir, les gestes nets des professionnels, les arrêts nets des corps au comptoir, les ajustements des papiers. Je suis entrée chez d'autres professionnels. Je reconnais les signes de ceux qui ne se tiennent pas à la lisière du faire. Mon regard est distordu, je vois à l'échelle des matières, des mains, des figures du corps.
J'en conclus que je peux jeter à la benne tout ce qui provenant de Whiplash n'a pas été duseul ressort du vécu d'un angle esthétique aigu. Mais que ce vécu là s'est bien imprimé en dedans. Je me lave de l'atteinte psychologique jamais souhaitée. Je garde le regard, le corps, la focale et l'arrêt angulaire sur le mouvement que l'on s'imprime.