Les adaptations de pièces de théâtre à destination cinéma, spécialement celles des classiques des siècles passés, sont un des exercices les plus périlleux qui soient : soit on s’éloigne du texte et du rythme, soit on ennuie la majeure partie du public des salles obscures. Le ‘MacBeth’ de Justin Kurzel, jeune réalisateur australien qui n’avait alors à son actif que le plutôt convaincant ‘Les crimes de Snowton’ consacré à un fait divers crapuleux, atteint pourtant une sorte d’équilibre miraculeux entre respect de la dramaturgie shakespearienne et choc visuel, quoique le résultat ne vire jamais au grand spectacle stérile. Le texte - même si les coupures opérées prêteront comme toujours à discussion - dont la persistance à travers les siècles suffirait à valoir à cette adaptation les lauriers de la réussite et l’histoire, celle d’un guerrier valeureux et loyal, qui se voit promettre par des sorcières une future accession au trône d’Ecosse et qui, poussé par son épouse qui juge qu’ils doivent être les artisans de cette ascension politique, s’enfonce dans une spirale de violence et de folie, y sont évidemment pour beaucoup. L’hubris démesuré de l’aspirant souverain, le cynisme meurtrier de sa femme pour qui la fin justifie les moyens sont plus que jamais d’actualité, quatre siècles après avoir été imaginés. Si, dès la bataille truffée de ralentis qui ouvre le film, on craint que Kurzel ne fasse du sous-Braveheart à vingt ans d’écart, on constate rapidement que le réalisateur avait une idée précise de la manière dont il souhaitait que l’image habille le texte. La relation perverse du couple MacBeth, l’abandon progressif de leur cause par tous leurs partisans et leur lente dégradation mentale se situent majoritairement dans les salles intérieures de forteresses que Kurzel a vite fait de transformer en geôles labyrinthiques. Lorsqu’il s’aventure en extérieur, c’est pour quelques séquences à la cruauté calculée, telle l’exécution du clan MacDuff, d’autant plus éprouvantes qu’elles ne sont que suggérées. Quand à cette Ecosse qu’on dirait peinte par le Caravage, ces landes noyées dans les brumes ou éclaboussés d’un clair-obscur spectral et ces champs de bataille rougeoyants, tout sert à refléter le cauchemar éveillé dans lequel se débat le monarque, monstre de violence et d’instabilité mentale, que Michael Fassbender parvient à rendre paradoxalement pathétique et pitoyable, comme victime d’un destin trop lourd pour ses épaules. Couplé à l’approche viscérale de Kurzel, qui s’approche sans cesse de l’excès pompeux sans jamais y basculer, cette nouvelle vision du chef d’oeuvre de William Shakespeare, moderne sans doute mais pas pour autant déconnectée de son sujet, n’a pas à rougir de la comparaison avec ses légendaires prédécesseurs.