Je n'attendais rien de ce film, et je dois avouer que, malgré mes réserves, "Macbeth" est une jolie surprise. Avec ce second long-métrage, Justin Kurzel prouve une chose, même face à Shakespeare, son cinéma a une personnalité. Car dès les premières secondes, avec ces plans morbides du cadavre d'un enfant, de ces Hommes écrasés par les paysages d'une Ecosse froide et hostile (impossible de ne pas faire le lien avec "Valhalla Rising" de Refn), on comprend tout de suite que l'on a pas affaire à une adaptation bien tranquille, mais à une vrai vision de cinéma.
Certes le film n'est pas exempt de défauts, mais le travail visuel, bien que parfois trop clinquant et tape à l'oeil, est à saluer. De plus, la mise en scène de Kurzel magnifie parfaitement ces grands décors dans lesquels ses personnages se perdent. Cette dernière s'articule, durant les scènes de combat, autour d'une opposition entre une hauteur d'Homme brutal, chaotique et individuellement traumatisante, à une vision de la nature pour laquelle tout cela ne représente que des masses qui s'entrechoquent. C'est intelligent et percutant en plus d'être d'une grande beauté. Cependant, la pertinence de ces ralentis est plus discutable lors de passages plus posés dans le récit, donnant la désagréable impression d'un formalisme et d'un esthétisme bien vain.
Malheureusement, cette radicalité visuelle et formelle tranche complètement avec le parti pris de Kurzel de conserver les mots du dramaturge. C'est une intention bancale, car autant elle marche parfaitement lors de scène à l'ambition dramatique forte (dernier monologue de Lady Macbeth, scène du banquet), autant elle détruit la force et la portée de l'intime. Et cela est d'autant plus dommage que les acteurs sont tous dans le rôle de leur vie et que Kurzel sait comment filmer un regard, un mouvement, pour que ce dernier dise tout sur ce qu'il se passe. On peut ainsi difficilement nier que voir Fassbender déclamer du Shakespeare est impressionnant, mais encore une fois, son seul regard, dément et hanté, aurait suffit. Le résultat est assez contradictoire avec les autres partis pris du réalisateur, tout en diminuant la force de ces derniers, bien que cette intention n'échoue pas complètement.
Mais, bien qu'il fût d'une fidélité exemplaire en ce qui concerne les dialogues, Kurzel les utilise à des fins différentes. Ici, le pouvoir est source de fatalité, le posséder ou s'opposer à lui mène l'Homme à sa perte. Sa transmission est inévitable (le magnifique plan de fin), ainsi que l'horreur qui en découle. Ayant comme base cette vision fataliste, Kurzel fait de Macbeth est homme qui est gagné par la folie avant même de d'obtenir le trône, ce dernier parlant aux cadavres et est régulièrement prit de visions. De la même manière les rapports de force entre Lady Macbeth, d'abord manipulatrice mais qui finira prise de remords (
au point d'en mourir
) et Macbeth lui même, dont les réticences originels se transformeront en folie tyrannique et dévastatrice.
Avec ce long-métrage, Justin Kurzel impose une vision percutante et radicale, son "Macbeth" est personnel et ne ressemble à aucune autre adaptation. Cependant, son cinéma manque de maturité et de maitrise, ne parvenant pas à faire cohabiter toutes ses intentions et faisant parfois sombrer sa mise en scène dans un formalisme des plus vain. Malgré tout cela, ce long-métrage est une oeuvre riche , malheureusement inabouti mais à la singularité fascinante.