Une histoire de bébés échangés à la naissance révélée lorsqu'ils ont six ans. Une connaissance intime de la culture japonaise, que je n'ai pas du tout, doit permettre de mieux apprécier la finesse et le réalisme du film interrogeant dans un esprit assez démonstratif mais aussi assez subtilement la composante génétique et la composante culturelle dans la constitution de la personnalité de l'enfant, ainsi que l'affectivité, ici en particulier celle du père. Encore une fois il est certainement vain de plaquer la psychologie française type dans cette épreuve sur cette histoire se passant dans une civilisation où les modes de vie apparemment très semblables aux nôtres sont en réalité lestés par l'héritage ancestral et ses bouleversements récents. La focale se porte sur la personnalité de l'un des pères, un jeune homme d'origine modeste mais très éduqué, cultivé, évolué et ambitieux. Architecte de formation, il s'occupe de design dans un grand groupe international. Il est très impliqué, doux et patient dans l'éducation de son petit garçon, notamment l'apprentissage du piano classique, mais peut-être un peu distant aussi. L'enfant, sage et beau comme une image, nous apparaît désarmant de gentillesse et de docilité, mais peut-être pas très doué ni très affirmé pour son âge.
Naturellement la révélation par l'hôpital d'un échange d'enfant suscite le séisme qu'on imagine et le film montre assez bien les différents soubressauts consécutifs à cette situation très complexe.
L'autre petit garçon n'a rien à voir : beaucoup plus grand pour son âge, dégourdi, remuant, provocateur. L'autre père, lui aussi, est très différent. Rigolard, simple, facile à vivre, il est à la fois plus en phase avec les traditions (le cerf-volant) mais aussi beaucoup plus proche de ses différents enfants avec qui il joue énormément. Le jeune père citadin voit cet autre père clairement comme un plouc.
Ce tandem familial passe par différentes étapes et un procès.
Le plus intéressant est l'interrogation du poids des gênes et du poids du milieu, et aussi du positionnement du plus jeune homme en tant que père par rapport aux deux petits garçons. Il voulait manifestement un fils affirmé et intello. La vie lui en a d'abord offert un trop sensible timide et naïf (on peine d'ailleurs à croire qu'il soit en vrai celui du boutiquier), puis un autre irrespectueux et plutôt violent. On comprend qu'il en accepte finalement la charge d'adaptation paternelle sensible pour les deux, au prix d'une évolution douloureuse mais finalement positive.Ce même "travail" semble plus aisé pour l'autre père.
Dans cette histoire on peut regretter l'évident sentiment d'abandon que pendant quelques mois le plus petit et silencieux des enfants a naturellement éprouvé. Malgré la demande de pardon de son premier père, l'enfant a dû connaître un vide effroyable.