Les femmes prennent le large.
Après Catherine Deneuve dans le beau film d'Emmanuelle Bercot, Elle s'en va, c'est au tour de Karin Viard de larguer les amarres devant la caméra de la trop rare Sólveig Anspach.
Le début du film nous plonge de plein fouet dans la morne actualité d'une femme mal aimée et débordée par ses obligations familiales. On la voit fatiguée et dépitée, face à un odieux recruteur, au cours d'un entretien d'embauche qui s'avèrera être un échec de plus.
Le dernier à supporter, et le coup de pied nécessaire pour tenter l'aventure.
Tout en étant d'une simplicité extrême, l'écriture du scénario est solide et sert avec subtilité et finesse le propos du film. La réalisatrice et son complice Jean-Luc Gaget, associés dans cette écriture, font preuve d'une certaine poésie, et démontrent avec brio les surprises que peut offrir la vie au moment même où l'on pense que tout est fini. La dernière balle à saisir, la dernière porte à pousser pour recouvrer une liberté dont on s'est volontairement privé. Les ellipses bien maitrisées évitent habilement des longueurs.
Après le très beau rôle d'Emma dans Haut les cœurs, avec à la clé, un César de la Meilleure actrice, Karin Viard, est, une nouvelle fois devant la caméra de Sólveig Anspach. Elle est absolument formidable. Quand son image se reflète dans le miroir d'un hôtel bon marché, il y a de la magie pure dans ce seul instant.
On sent l'actrice totalement libre pour s'exprimer, imprégnée par cette Lulu à laquelle elle donne une intensité, une lumière aussi, qui touche au plus profond. Le jeu de Karin Viard est à la fois touchant de sincérité, simple et magnifique dans des élans de générosité.
À croire que Claude Gensac, déjà présente dans le film d'Emmanuelle Bercot, devient la partenaire incontournable de ces femmes qui décident de tenter l'aventure. "J'en ai marre d'être vieille" … "Je ne veux pas mourir toute seule" … dit-elle dans le film. Douceur et splendeur d'une comédienne qui s'est accordée le luxe de vivre avec le temps qui passe sans en effacer les marques
Quant à Bouli Lanners, à la fois, émouvant, drôle, sensible et bourru, il est tout simplement épatant. Le couple, formé dans le film, avec Karin Viard, devrait marquer les esprits.
L'ensemble du casting est un sans faute. Corinne Masiero en tête, dans le rôle ingrat d'une garce épouvantable devant laquelle Nina Meurisse baisse les yeux. Pascal Demolon et Philippe Rebbot apportent une fantaisie joyeusement débridée.
Un film de femme sur l'histoire d'une femme.
J'aime cette approche à la fois tendre et réaliste. Poétique sans être mièvre.