Mieux vaut tard que jamais ! Encore chrysalide alors que largement quadra, "Lulu" se prend en main - un peu par hasard - et devient imago, enfin "Lucie". Elle n'a pourtant pas beaucoup voyagé pour opérer ce (tardif) complément de métamorphose - un "saut de puce", des alentours ruraux d'Angers (Maine-et-Loire) où elle vit avec mari (une brute, à l'usage) et 3 enfants, à St-Gilles-Croix-de-Vie, au bord de la mer (Vendée). 130 kms environ. Mais, hors-saison, un séjour qui n'a rien d'une villégiature balnéaire : débutant sur un entretien d'embauche qui capote, il va (hasard ou destinée ?) faire rencontrer à la jeune femme l'amour (Charles, un marginal un peu paumé), mais aussi une figure maternelle improbable (Marthe) - la conjonction des sentiments la révélant au passage d'abord à elle-même.
L'histoire est relativement banale, mais c'est plutôt bien écrit, et réalisé avec simplicité et fluidité. Karin Viard (retrouvant Solveig Anspach 15 ans après « Haut les Coeurs »), le visage nu (sans fard), convainc dans cette chronique sur une femme "nue", se débarrassant crânement d'une vie rassurante, mais sclérosante. Bouli Laners/Charles lui donne la réplique avec coeur.
Claude Gensac (86 ans), quant à elle, donne toute la mesure de son talent, de son métier, dans le rôle d'une vieille dame indigne autant qu'attachante, Marthe. On signalera dans la (petite, mais utile, et non réduite aux utilités) galerie de personnages secondaires, les 2 frères de Charles, impayables zigotos (Pascal Demolon alias Richard et Philippe Rebbot alias Jean-Marie). Ils protègent leur aîné, fragilisé par une "erreur judiciaire". Lequel protège Lulu. Celle-ci protégeant Virginie (jeune serveuse brutalisée par son ogresse de patronne - Corinne Masiero dans une partie habituelle, physique atypique oblige), avec Marthe (Lulu et elle se protégeant mutuellement)..... Une chaîne de protection(s), un emboîtage façon poupées russes. Optimiste et revigorant.