J'ai vu un film... un film particulièrement dérangeant sur les premiers désirs d'une adolescente, à notre époque, avec un glissement de ce désir, de la recherche de l'émoi, vers un plaisir tarifé et une recherche de soi... Le film, totalement maîtrisé à tous les niveaux, avec une comédienne qui explose à l'écran (Marine Vacth) est particulièrement dérangeant... Il montre, mais sans pourquoi, sans réelle explication, sans approfondissement des motivations...
La prostitution n'est pas le sujet prioritaire du film mais bien le mal-être de cette adolescence, laquelle n'arrive pas vraiment à mettre des mots sur son ressenti... Et c'est cette adolescente qui observe avec mélancolie, désillusion le monde des adultes, avec son hypocrisie et ses tourments... Le pourquoi n'est pas vraiment la question... Et c'est un peu angoissant, car on on continue à chercher... à travers ce portrait insaisissable...
On ne peut s'empêcher de trembler pour elle, par ses comportements inconscients (rapport non-protégés, entrer dans une chambre sans savoir ce qui l'attend derrière, supporter la mort d'un de ses clients sous ses yeux...). Et dernier point, comment peut-on "aimer" un tel film et être à ce point déranger par le thème ?
Les chansons, de Françoise Hardy, le poème de Rimbaud, la réalisation fine et le casting donne un cachet particulier à ce film de François Ozon...
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
− Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
− On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, − la ville n’est pas loin -,!
A des parfums de vigne et des parfums de bière…
− Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête…
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
− Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père…
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
− Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’à mois d’août.
Vous êtes amoureux. − Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
− Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… !
− Ce soir-là,… − vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
− On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
Arthur Rimbaud (1854-1891), 29 septembre 1870