Vu par hasard, car j'avais décidé de le zapper après avoir lu le pitch et vu la bande-annonce. D'autant que je n'apprécie guère le cinéma d'Ozon, dont seul "Ricky" et sa fantaisie prosaïque m'avait vraiment plu jusqu'ici. Quelle erreur ! "Jeune & Jolie" est sans doute son meilleur film, mais en plus c'est un très grand film, magistralement écrit, filmé et interprété. Sur un sujet aussi casse-gueule et rebattu que les tourments de l'adolescence en milieu hyper-friqué, Ozon réussi l'impossible avec une grâce insolente. Il déjoue tous les pièges, un par un, qui pouvaient faire de son long métrage un pauvre téléfilm pour les "Dossiers de l'écran". On est bluffé par la subtilité de la mise en scène, la précision du choix des cadres et des mouvement, l'intelligence déployée pour que le film ne tombe pas dans le voyeurisme et transcende son sujet. La plastique de Marine Vacth n'est jamais un obstacle mais au contraire une clé pour comprendre son rapport au réel, et l'actrice est bluffante par la variété de ses registres, la puissance de son interprétation (c'est bien elle la vraie "nouvelle star", n'en déplaise à Telerama qui se fourvoye complètement en faisant sa couv' récemment avec l'insipide Léa Seydoux). Les dialogues, souvent misérables dans ce genre de cinéma français, sont ici d'une rare justesse, et le casting est parfait, depuis Frédéric Pierrot et Géraldine Pailhas jusqu'aux gamins du film (le petit frère est formidable) et aux seconds rôles (comme le psy, les clients), parfaitement dirigés, jamais faux. On sent Ozon en pleine maîtrise de sa maturité, son éternel demi-sourire autrefois agaçant devient soudain généreux tant il s'est appliqué, comme un artisan d'art, à faire de ce film une pièce d'orfèvrerie. Sans aucun doute l'un des meilleurs de l'année, et comment comprendre que le jury cannois ait décerné la palme au navet poussif et interminable de Kechiche, alors qu'en une seule scène de classe récitant du Rimbaud, Ozon atomise par son élégance et sa finesse les laborieuses démonstrations scolaires de la plombante et boursouflée "Vie d'Adèle" ??