On a toujours tendance à dire que Disney a des années de retard dans ses partis pris moraux. Malgré tout, le studio a fait d’indéniables efforts pour inverser la tendance, et avec Maléfique, ils décident de continuer dans cette voie malgré la structure à l’ancienne du conte. Le premier parti pris louable, c’est l’enfance de Maléfique, que le film suit avec un intérêt certain. Elle est le personnage principal et le film réussit assez bien à faire ressortir les sentiments qui l’animent. En cela, la trahison qu’elle subit et sa vengeance méditée et efficacement exécutée (avec humiliation icônique de Stéphane devant sa cour) nous fait toujours basculer en sa faveur. S’entame alors le nouvel axe dramatique, qui marque un rapprochement entre notre protagoniste et l’héroïne, que la malédiction en question vient peu à peu menacer. J’espérais secrètement ce rapprochement qui prolongerait la souffrance de Maléfique tout en salissant la gamine toute belle toute innocente, autant dire que je ne suis pas déçu, c’est un axe dramatique simple, mais d’une consistance un peu plus mature que prévue. C’est surtout sur la question de l’amour que le film marque un grand coup et tranche avec ce qui a pu être fait auparavant, puisque le baiser libérateur ne vient de rien d’autre… que de Maléfique… Je ne sais pas si vous aviez entendu parler des soit disant accusations de corruption des jeunes sur le film La reine des neiges (où des détracteurs disaient avoir vu des allusions lesbiennes), alors là, on nage en plein dedans ! Ca et la vision complètement désillusionnée de la structure du couple hétéro (aucun couple hétéro ne vit heureux ni même n’éprouve d’amour), on tient là d’énormes éléments si on souhaite regarder le film avec des ornières. Pour ceux qui se contentent d’apprécier objectivement le film, on a là une direction artistique de haute volée, qui nous inonde les yeux de merveille kitsch à souhait, soit tout ce qu’on réclamait. Il ne faut pas croire non plus que tout est parfait. Aurore est une niaise qui passe son temps à sourire à tout le monde et qui n’a pas la moindre consistance (en fait, tous les personnages gentils semblent réduits à cette approche de niaiserie, seuls les personnages ayant souffert semblent avoir acquis une consistance et une variété question palette d’émotions). Son prince charmant est un niais qui semble sortir du lycée (il ne lui manque que l’acnée), mais ça, c’est bien normal (on apprécie même la puérilité de sa carrure, il est mou comme un petit suisse…). En revanche, les exclamations « c’est magnifique ! » pour nous dire quand c’est beau, les multiples incohérences où Mélafique a tantôt peur du fer, tantôt elle le prend à pleine poignée sans que ça la dérange. Shalto Copley est comme d’hab cantonné au rôle de méchant de service, avec une méchanceté à relativiser puisqu’il ne prend jamais la peine d’approfondir son avidité au-delà de la voix off qui lui sert de présentation. Bien dommage quand on voit qu’il est la seconde personne la plus intéressante du film et qu’il est en partie bâclé. Mais bon, avec une belle esthétique et quelques emprunts au Seigneur des anneaux (un Ent qui ressemble beaucoup au Balrog, un dragon bien épique…), on a un spectacle bien plus consistant que la guimauve habituelle. Quelques libertés prises avec le matériau d’origine permettent donc de redonner un peu d’ampleur à ce gros spectacle familial, en densifiant un peu le propos social. Un essai satisfaisant à confirmer.