Oser faire un film en noir et blanc, et en plus muet relève d’un pari insensé alors que la 3D inonde de plus en plus notre actualité visuelle. Conscients de cela, les producteurs se sont lancés dans un abattage médiatique pour promouvoir ce film "logiquement" voué à l’échec commercial. Et c’est avec une certaine appréhension que je l’ai regardé. J’ai tout de suite constaté une très belle qualité d’image, formidablement balancée de contrastes. Des contrastes qui peuvent être mis en parallèle avec le fait que le cinéma muet entre en contraste avec le cinéma parlant. Evidemment, je ne reviendrai pas sur les performances de Jean Dujardin, à priori dans son élément avec son visage rempli de mimiques qui en disent long. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il était fait pour le cinéma muet. Il n’a pas volé les prix qu’il a gagnés. Cela dit, Bérénice Bejo lui donne parfaitement la réplique (si je puis dire). En réalité, même James Cromwell, Penelope Ann Miller et surtout John Goodman sont étonnants. Mais le mérite revient aussi au réalisateur, qui a su respecter les codes du film muet. On notera une certaine influence de Charlie Chaplin, cet immense artiste qui a eu bien du mal accepter l’arrivée du parlant. Cette comédie dramatique se suit sans aucune difficulté, sous une bande originale parfois proche des tonalités chaplinesques. Tantôt excellente, tantôt moins bonne, elle accompagne néanmoins le film assez efficacement la plupart du temps, faisant d’elle un personnage à elle seule. J’ai parfois noté malgré tout des baisses de rythme, laissant un peu trop de place à la dramaturgie, ce qui explique que je ne donne pas la note maximale. Inutile de dire que le film muet offre de beaux clichés question photographie, et "The artist" ne déroge pas à la règle. Donc oui la réalisation est fort bien maîtrisée, ce qui pourrait amener certains cinéphiles à découvrir cet art malheureusement disparu, scellant au passage le sort de comédiens véritables artistes. Car faire du cinéma muet, c'est de l'art, c’est savoir exprimer les émotions et les paroles avec le langage du corps, le visage, les yeux. Et ça, Jean Dujardin et Bérénice Bejo ont su le faire, ces deux-là qui nous amènent une scène finale d’anthologie à travers un numéro de danse, magistral, qu’on peut considérer comme étant le bouquet final de ce feu d’artifices qu’est "The artist". A découvrir absolument.