En règle générale je me méfie des films présentés à Cannes, où depuis fort longtemps le coup marketing et médiatique tant à supplanter la réelle valeur des métrages montrés. Mais il y a toujours de bonnes choses à retirer qu’il serait mauvais de rater.
The Artist bénéficie d’une très bonne critique, bon, je me dis pourquoi pas ? Et j’ai bien fait, car c’est vrai, ce métrage est une bien bonne réussite, un coup audacieux qui s’avère un coup de maitre.
Les acteurs d’abord sont très bons. Bien sur Dujardin, qui livre une prestation fort maitrisée et très appliquée, très crédible. Il endosse avec brio son personnage, et je pense qu’il livre là son numéro le plus costaud, aussi car c’est surement son plus ambitieux. A ses cotés je n’oublie pas Bejo, que je ne connaissais pas à vrai dire, et qui est mémorable elle aussi, peut-être à quelques occasions, encore plus enthousiasmante que Dujardin, cela venant peut-être de son personnage, un peu mieux écrit. Mais il y a d’excellents seconds rôles, à commencer par un surprenant James Cromwell que j’aimerai un jour voir jouer De Gaulle tant il lui ressemble curieusement ici. Bref solide équipe, mais par contre pas besoin de venir pour McDowell, il fait une apparition des plus fulgurantes.
Le scénario est très sympathique, mais c’est en même temps un peu la petite lacune du film. L’histoire se présente sous la forme d’un conte romantique, léger, teinté d’une certaine noirceur. C’est drôle et agréable. Un peu simple certes, mais je crois que c’est justement cette simplicité, manquante à bien des œuvres de nos jours, qui a fait le succès de The Artist. Néanmoins j’ai tout de même ressenti un coté versatile et instable dans le personnage de Dujardin. Ca râpe un peu quand même, lorsqu’en l’espace de 5 minutes le personnage change par exemple à trois reprises de sentiments sans véritablement que cela soit pleinement justifié. Ce coté versatile se retrouve aussi de fait dans l’ambiance, qui vire très rapidement du comique léger à la noirceur et rendant de fait le film un poil inconfortable. Il est difficile d’avoir un moment de franche rigolade lorsque juste après un couperet s’abat sur le héros, sur un ton de surcroit assez austère. Mais bon, c’est un élément qui ne ruine pas loin de là ce film.
Niveau réalisation, rien à redire. Hazanavicius maitrise son sujet, il livre des morceaux mémorables avec des cadrages absolument remarquables. C’est esthétique, c’est réfléchi, bref, c’est un petit régal. Les décors sont eux aussi fort réussis, avec une atmosphère années 30 très bien restituée, et cela tout en conservant le coté « studio » d’un film d’époque. Cependant petit bémol sur la photographie. Le noir et blanc pose problème. Non pas en tant que tel, mais parce qu’il est quelconque. Soit le film aurait du prendre le parti du pastiche à l’ancienne, avec grains et accidents de pellicules, soit le parti d’un noir et blanc actuel avec des profondeurs de gris magnifiques et un contraste plus puissant. Là le film propose un noir et blanc sans grand relief, ce qui est un peu gênant, il y a même quelques scènes où on a simplement l’impression que les images tournées en couleurs on était convertis après coup (c’est sensible sur la scène du chien qui courre vers le policier). La bande son joue enfin un rôle majeur du coup, du fait de l’absence de sons. C’est très efficace, et parfois même très joli, avec une concordance image-musique au diapason, et qui d’ailleurs ne fait pas voir le temps passer, The Artist s’écoulant sans ennui aucun, en dépit des craintes qui pouvaient apparaitre.
En conclusion voilà un métrage qui mérite amplement toutes ses bonnes notes. Pour ma part j’ai bien aimé cette sobriété à tous les niveaux. C’est un film simple, sans fioriture, et pourtant très appliqué, qui raconte une histoire humaine, avec sensibilité. Comme je l’ai dit deux bémols sur la photographie et la deuxième partie du film, trop inconstante dans son humeur. Je lui accorde donc 4.5, en saluant et en remerciant toute l’équipe de ce métrage pour un résultat des plus méritants.