La course folle d’un homme poursuivi par des mercenaires, puis par l’armée américaine. Capturé en Afganisthan, il est transféré vers une prison secrète de la CIA en Pologne, mais réussit à s’échapper à la faveur d’un accident de la route. Dans le rude hiver polonais, comment peut-il parvenir à échapper aux escadrons de la CIA lancés à sa poursuite ?
Ce qui frappe immédiatement dans le film de Jerzy Skolimowski, c’est son manque d’explications. Dès la première scène, on entre dans un tube ininterrompu de bruit, de fureur, de fuite, de peur, mais dans lequel le héros ne prononcera presque pas le moindre mot. En laissant à peine quelques indices pour situer le récit, mais sans expliquer les motivations ou encore donner des noms à ses personnages, le réalisateur parvient à faire passer beaucoup plus que certains films en une heure et demie. Tout le paradoxe est là : le spectateur est invité à regarder, à s’immerger, presque à courir à côté du fuyard, puisqu’il n’a pas besoin de se faire expliquer sa seule motivation : survivre. D’ailleurs, le manque de dialogues et d’interactions ne nuit pas au film, il le renforce. Il en fait un objet hypnotique, désorientant, presque abstrait, mais profond, et visuellement irréprochable. Il faut certainement de la disponibilité pour entrer dans un tel film mais la récompense est à la hauteur.
Car avec des partis pris aussi radicaux, le film marche sans cesse sur le fil du rasoir, mais en restant toujours du bon côté, grâce à une mise en scène agile, alerte, qui utilise pleinement les paysages des deux pays. Grâce aussi à une maitrise du tempo : le film n’est pas trop long, et les flash backs juste assez courts pour avoir de l’impact sans nous faire perdre ce rythme infernal. Et surtout, l'ensemble est tenu par la grande performance de Vincent Gallo, qui fait passer toute une palette d’émotion face à la caméra, juste avec son regard.
De plus en plus surprenant, le film se permet même des scènes totalement inattendues dans son dénouement, des séquences qui peuvent choquer, révulser, mais qui obligent chacun à se demander ce qu’il ferait dans un cas pareil. Et il faut reconnaître que la film a cette force d’oser jusqu’à la dernière image, oser ne rien dire, mais tout suggérer par l'émotion et par l'image.
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