Et si Essential Killing était le film d'action ultime, poussé dans ses derniers retranchements, sans scories, sans psychologie, au point de devenir un objet abstrait, une enveloppe physique débarrassée d'une âme quelconque ? Avec sa mise en scène au cordeau, sa bande son incroyable, ses images époustouflantes, le film de Skolimowski atteint à une extase d'épure stylistique qui laisse pantois. Mais, attention, c'est une expérience cinématographique qui peut paraître bien vaine pour qui attend d'un film des contours clairs et une explication du pourquoi du comment. Il y a bien un arrière-plan politique, un Taliban (ou supposé tel) torturé par les troupes américaines, mais à partir du moment où sa cavale commence, l'enjeu se réduit à celui de survivre, quitte à tuer pour y parvenir. Dans cette forêt polonaise enneigée, menacé par ses poursuivants, notre homme doit composer avec la nature, frayer avec les animaux (omniprésents), s'alimenter au petit bonheur la chance. Ce film inclassable est un suspense terrible, alors même que Skolimowski joue avec nos repères à nous, spectateurs voyeurs. Notamment temporels, car le cinéaste dilate ou étire à volonté la durée du chemin de croix de son personnage. Il y a cependant des hasards un peu trop forcés et des flashbacks inutiles qui altèrent la radicalité du film. Et le rôle de Vincent Gallo, très physique, fait se demander s'il s'agit d'une grande performance d'acteur ou si son jeu est sans nuances. Rien n'est vraiment sûr dans cette oeuvre extrême, qui ne peut que diviser. Son titre, lui-même, Essential Killing, n'est-il pas une sorte d'oxymore ?