En fait il n'y avait pas que Detective Dee qui valait le déplacement avant Cannes, il y avait aussi cet Essential Killing. De Jerzy Skolimowski je n'ai vu que Travail au noir qui m'avait que moyennement plu et surtout Deep End que j'avais beaucoup aimé. Tout le tintouin de la presse autour de ce film lors des habituels tops de fin d'année m'a motivé pour le voir alors qu'au départ malgré le réalisateur et Gallo que j'aime beaucoup, je n'avais pas forcément super envie de le voir, il faut dire que les chasses à l'homme c'est pas spécialement mon truc.
Enfin bon toujours est-il qu'intrigué je fus. Et que je l'ai vu. Alors honnêtement je ne savais pas à quoi m'attendre, et tant mieux à la rigueur, parce que le film est surprenant sur plusieurs points, déjà sur le personnage de Gallo, complètement mutique. Sur l'absence quasi totale de dialogues, sur la brutalité du film, son austérité, sa beauté pure et brute. C'est un film qui marque, qui travail. Il part d'un principe très simple, un mec se fait arrêter dans un pays qui n'est pas précisé, il tente de s'échapper, on suit sa fuite. On voit non seulement les crimes dont est coupable le personnage de Gallo, mais on voit également, ce que fait l'armée américaine à ses détenus, c'est très ambigüe, on n'est pas dans le manichéisme, j'ai l'impression qu'il n'y a ni bien ni mal, juste un mec perdu dans la neige. Et ce qui est passionnant dans le film c'est la notion de point de vue, on est avec le perso de Gallo mais absolument tout le temps, on a même droit à la caméra subjective, à ses souvenirs, ses visions, sa panique. Et grâce à ce procédé le "terroriste" (j'ose même pas employé ce terme, ça me fait mal, tant je me suis pris de pitié pour le personnage) devient un être humain comme les autres, avec ses faiblesses, avec un visage, des besoins, des raisons qui ont influencé ses actes, c'est un travail admirable pour arrive à un film d'une telle simplicité, un film totalement épuré qui sans dialogue arrive à instaurer une identité à son personnage, sans même que l'on connaisse son nom. Au fur et à mesure que le film progresse, on sent une empathie phénoménale monter envers le personnage, qui souffre, qui gèle, qui saigne, qui mange des trucs bizarre, tout en se rappelant sa vie perdue, il y a une scène magnifique où ses souvenirs rattrapent sa réalité, c'est subtile, bien fait. Pas besoin d'en faire plus.
La bande son est très bonne, et participe totalement à l'expérience qu'est ce film. Vraiment j'ai été sous le charme à fur et à mesure que le film avançait.
Et la fin, j'étais complètement bouleversé. C'est une histoire très simple, mais très belle, très travaillée, et pourtant si brute, c'est un film qui laisse des marques contradictoires, mais c'est un très bon film.