Le blanc dominant les faces d’un homme volé, le rouge s’imprégnant de cette neige pétrifiante. Cet homme, muet, peut être sourd, un individu inconnu, anonyme, un film a son image, qui se voile sous l’anonymat, un film en foret, une course poursuite des plus envoutantes.
Un homme étrange qu’est Mohammed, un être qui sous son accoutrement et ses gémissements est en réalité une belle ordure, une type méconnaissable, hideux, sans pitié, qui fait gicler le sang à son aise, qui rode dans cette foret qui semble sortie d’un autre univers, d’une dimension extérieure. Mohammed est un Christ solitaire, incompris, terrifié, terrifiant, dont les pulsions deviennent alarmantes dans son odyssée qui touche au métaphysique, qui devient une véritable aventure glaciale et languissante.
Gris, lent, époustouflant, « Essential Killing », claque esthétique hors du commun, est aussi un survival enchainé, un ciel mort, un sol écorché, une atmosphère des plus troublantes entre la torture et les sublimes paysages hivernales au teint pale, assoiffé de beauté. Jerzy Skolimowski dotant son film d’une esthétique sans pareil, fondant son (anti)héro dans la nature à travers sa veste blanche, le filmant seul dans la neige, comme si cette dernière était un océan qui guettait une mort infâme.
Un homme qui ne fait qu’un avec les décors, aussi muet et splendide que cet environnement désertique qui parle sans rien dire, qui se contente d’exhiber sa plastique sublime au couché du soleil. Pour en arriver à une épopée presque onirique, malheureusement qui demeure retenue par des flash back kitsch mais instaurant une réflexion presque malsaine, autant elle est aussi troublante que boiteuse.
Immersif, interrogatif, esthétique, sanglant, contemplatif, une fresque sans réalité et sans port d’attache, un navire à flot et à sang, tuer ou être tué.