Couronné d'un Grand Prix à Cannes, ce "Gomorra" est une plongée sans concession dans la mafia napolitaine qui étrangle le pays depuis des années. Drogues, armes, immobilier, travails manuels, déchets... les catastrophes, à premières vues, sont graves. Mais si l'on y regarde de plus près, elles sont surtout sans retour, et font de l'Italie un beau pays qui pourtant, ne pourra jamais être propre. Si le message est clair vu le pessimisme qu'affiche Garrone en filmant crûment les diverses populations entraînées dans cette mare de sang où s'y noient les plus innocents, on peut parfois se demander quel est le véritable but du film. Décourager les productions américaines qui mythifient un peu trop le milieu? Voire qui le sublime? Dans ce cas "Gomorra" est certes très efficace tant il tranche dans la chair, tant il développe un langage insultant et rugueux. Le montage y est sûrement pour beaucoup, avec des alternances de personnages en boucle qui offrent à la dramaturgie du film une puissance indéniable, un moteur en constante alimentation. La façon dont Garrone nous tire par les pieds et ne nous lâche plus tient bel et bien du tour de force. Car il est vrai qu'en 20 ans, la Mafia au cinéma a souvent donné l'impression de tourner en rond. Mais "Gomorra", constamment attaché à un réalisme qui le lie directement avec les véritables problèmes de la société contemporaine, offre un interêt sûrement plus élevé, et l'érige au rang d'oeuvre d'art moderne en ce qu'il propose d'actualité, schématisée dans un dispositif formel proche du documentaire. Une éradication de la mise en beauté propre au cinéma d'hier qui en font un film naturaliste, une oeuvre marquante dans sa volonté d'accéder à un langage artistique qui constitue le procédé de demain. Le constat, dans le propos, n'est pourtant pas qu'un simple constat ; au-delà de la véracité, le cinéaste italien offre à sa variété de portraits une vraie leçon de mise en scène. Eclairages intimes et d'une beauté saisissante, développement