4,0
Publiée le 29 janvier 2023
Gomorra est un film clivant, qui repousse incessamment sa fréquence à démystifier l'impact romanesque autour de la Mafia, à tel point que le film se construit dans un arc narratif bien précis, raconter l'horreur, de manière totalement empathique et tout autant dénonciatrice !

Matteo Garrone, dès sa première séquence nous montre son sujet, la vie et la mort à Naples ! L'exécution sommaire dans l'institut, là ou ces types font leurs UV, ne prend pas de gant pour nous faire visualiser et prendre part à sa violence banalisé. S'ensuit une alternance entre vie de quartier, rapide tour des lieux, de son organisation, d'introduire ses personnages et une lente exposé de l'ampleur de l'ancrage de la Camorra et des effets de cette dernière. La chorale, son système tout du moins, nous fait vivre au compte goutte les situations, les trajectoires, nous prend comme témoin d'une certaine fatalité ...

Une échelle se dessine tel un graphique, les termes de profil, d'âges, de taux dénivelle une hiérarchie, un ordre d'on l'endoctrinement prolifère dans la rue comme dans les instances que l'on devine. Le rapport quasi documentaire et cinématographique de l'approche de Garrone appui à dépeindre le paysage plutôt qu'il ne dresse de portrait et prend la température de sa vision d'ensemble. Que se soit au cours de ce " bizutage " qui s'signifie l'initiation, ou bien dans cette scène hallucinante ou l'on dépêche des gosses sur le chantier pour contrer la crise immédiate, l'orchestration est façonné à grande échelle comme dans l'immédiateté. D'ailleurs, les éléments perturbateurs sont vites tenus à l'écart. Les deux fadas de Scarface en sont l'exemple idoine.

Je m'arrête quelques instants sur le cas de ses deux là. La fascination de ses deux jeunes types pour les dialogues, les scènes du film qu'ils tentent de reproduire par symétrie est une référence à la fois terrible de leurs idioties autant que du concept d'allégeance à l'imagerie codifiés d'un état de virilité normatifs. Il faut les voir canarder à tout va dans ce " marécage ", en slip de surcroit, comme si le rapport entre puissance et jouissance concordait de facto dans l'esprit de chacun. La destruction est une autre constance dans le sort de ses deux pauvres gosses que l'on sent imprégné d'un sentiment d'abandon et qui se réfugie dans une seule idée mortifère, qui les conduit au pire ...

Le trafic, les règles, les mesures et habitudes de l'organisation servent aussi à faire part du " terme " le plus important de ce long métrage, la Guerre. De l'imbécile, aux plus conscientisés, tous ont plus ou moins un pied dedans. Qu'ils prennent pars activement, ou à la marge, le chaos ici est de coutume et atteste de l'état et de l'ampleur de la catastrophe. " - Tu es avec nous, ou contre nous ! " Voilà, comment trivialement la chose est lâché à un gosse qui doit prendre la décision, sous pression, d'en être, ou d'en payer le prix. La transaction, qu'elle soit monnayable ou plus significatif, dans le sang donc, est une constante, une présence du rapport d'un conflit qui brise encore un peu plus les liens déjà difficiles.

J'aime particulièrement cette scène de la visite de Roberto et de Franco auprès des gens qu'ils grugent. Après avoir embrasser la vielle dame, pris son cageot de pêche, on s'empresse e les balancer car elles " puent ". La difficulté de ce passage à d'ailleurs révélé par les mots cette fois explicite dans la divergence de point de vue deux qui achemine d'entériner leur partenariat.

Gomorra est un drame qui prend le temps, entre froideur et réalité, le geste est imprimé à rendre compte de la déchante de ses gens, qui autant par accoutumance que par habitude se livre à survivre dans les conditions que nécessite cet état de fait. Le film de Mattéo Garrone ( on n'en oublie pas Saviano ) n'est d'ailleurs aucunement " enjôleur ", il est difficile, au cordeau, sans cesses impliqué à devoir prendre à partie l'ignorance, voulu ou non. Son ultime fond noir, pugnace et vindicatif sur son constat prend la communauté internationale, politique et citoyenne à prendre conscience de la mort perpétuelle qui s'abat sur ses populations d'Italie. Sans gros sabots, ni manichéisme, à hauteur d'homme, de femme ( enfin pas trop quand même ) et d'enfants, la violence est vue comme un cercle qui tourne dans deux orientations majeures, que l'on laissent carburé à la vitesse souhaité par ceux à qui profite le(s) crime(s) ...
4,0
Publiée le 19 janvier 2009
Issue de la contraction entre "Camorra" et "Gomorrhe", "Gomorra" est une chronique des activités illégales de la célèbre mafia Napolitaine, adaptée d'un bouquin qui a depuis mis son auteur en danger de mort. Primé à Cannes, le film de Matteo Garrone se veut être l'anti-Scarface, l'anti-Parrain : les personnages principaux n'ont pas le charisme de leurs prédécesseurs cinématographiques, ne sont pas interprétés par des acteurs renommés, ne sont pas mis en valeur par une réalisation propre, soignée, qui leur conférerait une image à la limite du mythe... Rien de tout cela, le cinéaste ne souhaitant pas raconter une épopée, plutôt décrire une réalité sociale que l'on pourra élargir à un domaine politique (de nombreuses questions sont implicitement posées). En cela, sa démarche se rapproche (dans l'état d'esprit) du néoréalisme de la grande époque. La caméra enchaîne à l'épaule les plans-séquences tremblants, hésitants même, montrant avec une crédibilité étonnante les fonctionnements d'un système malheureusement pas prêt de s'éteindre. Pour une fois, la notion d'ultra-réalisme, de style documentaire trouve son sens ; au plus proche des personnages, nous sentons intensément leurs palpitations, ressentons (partiellement) leur peur et la paranoïa qui s'installe. "Gomorra" possède des qualités, et c'est peu dire ; il prendra d'ailleurs probablement de l'ampleur avec le temps. Cependant, si la première partie du film est étonnante, la seconde sombre dans les redondances, le metteur en scène semblant terrifié à l'idée de faire évoluer ses objectifs, préférant assurer le coup quitte à sombrer dans le jusqu'au-boutisme un peu énervant. Les scènes finissent par se ressembler (dénonciation de la normalisation de la mort ? Un peu facile...) au point de paraître (pour certaines) plates. Avec une demie-heure en moins et des variations de style, "Gomorra" aurait encore pu gagner des galons. Pas totalement exploité dans ses capacités, il s'en tiendra au statut de "simple" bon film.
4,0
Publiée le 3 septembre 2008
Gomorra c'est plusieurs histoires, plusieurs personnages qui se croisent parfois mais qui ont en commun de vivre dans la même situation, la même galère. Les personnages sont tous détestables, mafieux, obsédés par l'argent, trafiquants d'armes ou de drogues, pollueurs a très grande échelle... mais pourtant certains sont attachants. Tous sont a la recherche du pouvoir et pour y parvenir tous les moyens sont bons. Le film commence fort, par ce nettoyage, pour le moins inattendu. Puis c'est un peu sous la forme du documentaire que le réalisateur nous montre sa vision des choses.
La caméra est toujours en très gros plan ou en plan poitrine. On ne les vois pas souvent entiers. J'aime ce coté réaliste ou la caméra n'est jamais statique un peu comme si le réalisateur voulait inclure le spectateur dans son film, le considérer comme un personnage a part entière. Victime et soumis a la Camerra ?
Je reprocherais tout de mêmes quelques petites choses au scénario, c'est d'être trop riche et de présenter trop d'aspect. C'est toujours un gage de qualité car ainsi il est complet, mais le spectateur a un peu de mal a suivre et a comprendre les buts et les enjeux des uns et des autres, de prime abord.
4,0
Publiée le 30 août 2008
« Gomorra » est un film d’une densité incroyable. Dès les premières images, il nous entraîne dans la spirale infernale de la mafia napolitaine. A travers les portraits sans concession de Toto (le gamin), Marco et Ciro (les apprentis), Pasquale (le tailleur), Don Ciro (le porteur d’enveloppes), Franco et Roberto (l’enfouisseur de déchets et son commis) et Maria (la mère rebelle), il dresse un constat terrible qui fait froid dans le dos. Matteo Garrone adapte le roman de Roberto Saviano, qui s’est littéralement immergé dans cet enfer pour en démonter les rouages, aujourd’hui menacé de mort, l’écrivain bénéficie de la plus haute protection de la police italienne. Le film de Garrone, extrêmement documenté et précis n’épargne rien ni personne. Tous les protagonistes ont pour point commun d’être de près ou de loin affiliés à la Camorra, la mafia napolitaine, qui semble gouverner le monde. Vif, glacial, brillamment mis en scène, le dernier (très mérité) Prix du Jury au dernier festival de Cannes, est un film qui marque les esprits. Certaines scènes sont tout simplement ahurissantes, à commencer par celle montrée sur l’affiche, de ses deux branleurs qui jouent aux caïds en tirant avec des kalachnikovs dans les marécages. Certains personnages sont plus touchants, comme Pasquale, le tailleur de haute couture mal payé, qui accepte d’aider les concurrents chinois au risque de subir les représailles de ses employeurs. En tout cas, bien que je ne sois d’habitude pas particulièrement attiré par les films de mafia, j’avoue que celui-ci m’a complètement embarqué du début à la fin. Et quand il s’achève, le générique nous claque au visage nous laissant seul face un constat terrifiant… on ne verra plus le monde de la même façon.
4,0
Publiée le 20 juillet 2011
Ce film m'a impressionné, impressionné dans le sens où j'étais en totale immersion dans le film alors que le cinéaste met volontairement une distance entre son film et le spectateur.

Gomorra apparaît comme un mix entre documentaire, film choral et film sur le crime organisé. Or force est de constater que le mythe du gangster est ici totalement détruit pour laisser place à un film dur et d'un réalisme froid sans jamais tomber dans la surenchère ni dans la dénonciation. Au contraire, Garrone reste dans l'observation de la Camorra. A la manière d'un reporter il y observe les mécanismes, le terrain, les actes sans pour autant délaisser le côté fiction.
On y suit les destins croisés de plusieurs personnages n'ayant aucun rapport entre eux si ce n'est d'être embarqué dans la spirale du crime. Les personnages qui m'ont le plus marqué restent les deux potes se prenant pour Tony Montana, c'est l'illustration-même du côté trop glorifiant que la majorité des personnes imaginent de la mafia alors que la réalité est toute autre. Ce film m'a vraiment oppressé, je ne sais pas vous mais moi je craignais le coup de feu à chaque instant, j'étais vraiment plongé dans l'ambiance.
La mise en scène de Garrone est intéressante. Celui-ci offre une forme extrêmement épurée et pourtant si belle... La photographie est à tomber et la réalisation est excellente. Les personnages, les décors sont sans artifice aucun poussant le réalisme à l'extrème.


Ce film n'a pas volé son grand prix à Cannes en 2008 tant il fait preuve d'une grande intelligence sur tous les niveaux. Ce côté aride et anti-spectaculaire sert le propos avec brio, la mafia est démystifiée pour mieux nous en dresser le portrait sans concession, ce qui correspond à sa véritable image. Un film coup de poing!
4,0
Publiée le 28 février 2011
Portrait sans concession d'une Italie gangrénée par le crime, ce long métrage est un chef d'oeuvre épuré (peu de musique et dispositif formel proche du documentaire) qui risque fort de marquer durablement les esprits. Il y aura à coup sûr un avant et un après Gomorra.
4,0
Publiée le 16 septembre 2012
La réalisation assez brute sans fioriture frappe le spectateur. Un film traitant avec intelligence la mafia napolitaine, loin des nombreux divertissements sur le même thème.
4,0
Publiée le 23 août 2008
On ne peut pas dire que ce film puisse nous laisser dans l'indifférence la plus totale, loin sans faux. On sent bien de la part du réalisateur la volonté de faire du P. Greengrass ("Bloody Sunday") au niveau de sa mise en scène dans l'unique but d'y insuffler une grande portion d'actualité à l'italienne, de manière très crue et très directe. Cela peut paraître assez barbant à la longue mais efficace. La presse crie au chef d'oeuvre, je n'irai pas jusque là. Certes, même si tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce film ont pris des risques plus que considérables (surtout l'auteur du bouquin original qui se tape une genre de fatwa depuis la publication de son best-seller ... d'où son adaptation à l'écran !), il ne faut pas oublier les qualités intrinsèques de ce dernier qui me semblent surestimées et présomptueuses. J'ai plus un faible pour "Romanzo Criminale" dans le genre mafiosi. Voilà c'est dit.
4,0
Publiée le 20 août 2008
3 sur 5 = note technique. Utile de se déplacer pour connaître l'étendue des dégâts autour de Naples, car c'est un reportage. Rien de romancé, et on voit venir les traquenards, je me suis un peu barbée (au contraire, dans un autre genre de malfrats, de "Romanzo Criminale")... Ici, c'est à qui sera le plus abject pour traficoter. Pan pan, boum boum, froissement de billets, la petite guerre faite adulte... A chaque plan, on se demande à qui le tour, collègue aujourd'hui, à abattre demain... La loi du plus fort, du plus bête, les gros caïds ah ah ! Merci les enfants et bonjour les tests de recrutement ! Cela pouvait être dit en plus court, on a bien compris que c'est "du vrai et du présent" ! De ce fatras, un seul homme s'extrait après avoir viré des fruits, sur ordre, dans un fossé, une seule identification possible, et bien tiède... On sort de là expert sur la question mafieuse et édifié sur l'imbécillité humaine !
4,0
Publiée le 26 août 2008
L’anti-Parrain absolu. Mais on est loin aussi de « Naples au baiser de feu », on ne vit jamais image aussi moche. Même le ciel est toujours gris, sale, plombé. Pas de palais décrépits, mais des HLM géants au-delà du sordide. La campagne, quelle campagne ? la désolation. Pas d’élégants capos, mais de gros lards en marcel /short de sport. Les payeurs ont des allures de petits fonctionnaires de catégorie C. Les ados n’ont qu’un idéal : des armes, tuer, boum-boum, faire du fric. Des décérébrés totaux. Des abrutis d’anthologie. Les enfants sont recrutés à l’école élémentaire. En choisissant de trahir la bande officielle du quartier pour une autre, ils mettent leur famille en danger. Trafic de drogue, trafics de traitement d’ordures (et de déchet toxiques en particulier), -voilà qui nous renvoie à l’actualité immédiate.
Au cours des dix premières minutes, on ne voit pas grand-chose d’autre que des biffetons –des liasses qui passent de mains anonymes en mains anonymes, que des mains anonymes épèlent…
Le reproche qu’on peut faire au film –et ce n’est pas un si mince reproche- c’est son manque de lisibilité. On se perd entre les différents personnages. Entre les trois différentes intrigues qui s’entrelacent, y a-t-il un lien ? Y a-t-il quelque chose qui les relie ? L’austérité, c’est le choix de Matteo Garrone. Pourtant, le film n’aurait pas forcément perdu à être un poil moins didactique –à s’écarter un rien du fait brut, pour draguer sans doute un public moins serré ? Car c’est un constat impressionnant, qui nous met en face d’une réalité, à deux pas de nos frontières. On ne pourra pas dire : on ne savait pas !
4,0
Publiée le 26 juillet 2010
un film vraiment super que je recommande la vrai mafia napolitaine
anonyme
Un visiteur
4,0
Publiée le 19 août 2008
J'ai bien aimé ce film, meme si j'ai été un peu decue par le fait qu'il reste, selon moi, trop proche du documentaire. J'aurais aimé revé un peu plus et me sentir encore plus au sein des histoires de chacun des personnages, mais je trouve que l'on reste beaucoup dans le constat, et l'analyse de ce monde. D'un coté, c'est ce qui fait que je trouve le film original, c'est une approche differente du monde mafieux que l'on a l'habitude de voir dans les films (Exemple Scarface qui est cité d'ailleur ;) ) Donc en gros, le default que je trouve a ce film est aussi sa qualité :D . En tout cas, meme si je n'ai pas "révé" comme je l'esperais, ce film nous en apprends et nous fait decouvrir. Le realisateur maitrise parfaitement son sujet, et nous le fait partagé. D'ou peut etre le coté documentaire du film. J'en garde en tout cas une idée bien positive ^^
4,0
Publiée le 16 octobre 2012
Pour adapter le best-seller de Roberto Saviano (qui a participé au scénario), Matteo Garrone a choisi un parti pris formel très clair : "Pour recréer l'impact émotionnel que j'ai ressenti en me rendant dans ces territoires, il m'a semblé que ma réalisation devait être la plus discrète possible. L'histoire suggérait elle-même ce langage très simple ; toute volonté de beaux cadrages, de beaux mouvements de caméra était rejetée assez naturellement par le film. Les reportages de guerre que j'ai vus m'ont influencé aussi. Je voulais donner aux spectateurs la sensation qu'ils se situent au coeur de l'action. Je voulais qu'ils puissent ressentir les odeurs."

La première scène du film semble contredire cette intention : quatre petites frappes se prélassent dans un institut de beauté, auréolés de la lumière bleutée des cabines U.V., quand ils se font abattre à bout portant. Cette scène d'ouverture dans une telle atmosphère irréelle plante le décor, puisque nous ne reviendrons plus sur cette épisode. Il montre juste la détermination et l'organisation de ces tueurs qui sortent tranquillement de la boutique, après avoir déposé leurs calibres dans un sac qu'évacue une jeune fille.

Ensuite, le réalisateur se conforme à son intention, évitant l'esthétisme gratuit, même s'il montre un sens aigu du cadrage, tant pour restituer l'architecture carcérale du H.L.M. où se déroule l'essentiel de l'action, que pour filmer les espaces naturels où les camorristes viennent déverser les déchets ou essayer leurs armes. Il manifeste aussi une véritable maîtrise du montage, notamment dans l'alternance de plans serrés et de plans très larges qui souligne ainsi la complicité silencieuse de toute une population.

On est vraiment loin de Coppola, Scorsese ou DePalma, même si les pitoyables apprentis affranchis citent en permanence Tony Montana. Contrairement aux "Affranchis", à la saga du "Parrain" ou à "Scarface", on ne suit pas de l'intérieur le fonctionnement de l'honorable société. Plutôt que de montrer les parrains et leurs lieutenants, Garrone a choisi de s'intéresser à la Camorra d'en bas : Don Ciro, "caissier" chargé de distribuer les allocations que le clan a décidé d'attribuer aux familles des affiliés morts ou en prison ; Marco et Piselli, deux pieds nickelés dont les minables exactions dérangent la quiétude du trafic "officiel" ; Maria, déclarée persona non grata dans son propre quartier parce que son fils est un "sécessionniste" ; Toto, un gamin serviable qui fait les livraisons de l'épicerie de sa mère mais qui est fasciné par les caïds du quartier ; Pasquale, un chef d'atelier de haute couture (avec la tête de Delanoë !) qui accepte de coacher des couturiers chinois ; Franco, un camorriste en costard, qui organise l'enfouissement de déchets toxiques.

D'abord éclaté, le récit prend petit à petit sa cohérence, et les destins des uns et des autres finissent par se croiser - ou pas. Il mélange efficacement le déroulement des différentes intrigues, et la description de la vie sous la coupe de la Camorra : le "casting" des portes-flingues, où chaque impétrant rentre à tour de rôle dans les ténèbres pour se faire tirer dessus protégé par un vieux gilet pare-balle ; la mobilisation de dizaines de guetteurs pour permettre le deal de drogue à grande échelle ; la réquisition de gamins de douze ans pour conduire des camions que leurs chauffeurs ont abandonné quand ils ont découvert ce qu'ils contenaient ; le commentaire de la victime d'un attentat à la bombe qui rigole en le qualifiant de relance de paiement, ou celui de Don Franco qui proclame que c'est grâce à des gens comme lui "que ce pays de merde est rentré dans l'Europe".

Les dialogues reflètent aussi cette empreinte de la loi mafieuse sur les âmes : "Je répéterai à qui de droit", "Tu es avec nous ou contre nous", "Ne pense pas, c'est à nous de penser". Loin des costumes en alpaga des affranchis, les tueurs sont bedonnants, en tongs et en débardeur, même s'ils circulent en Austin mini. Comme dans les pires cités de France, la police n'apparaît qu'en nombre, comme une force d'occupation. Il y a bien quelques notes d'espoir, comme la trajectoire de Roberto et de Pascuale qui montrent qu'il est possible de dire non à l'inéluctable, même si c'est au prix de l'exil.

Grand Prix du Jury mérité du Festival de Cannes, "Gomorra" allie l'intelligence narrative à la précision documentaire, tout en évitant toute complaisance pour ces misérables sicaires. La preuve en est qu'on peut être sûr que dans aucune cité en Europe, on ne prendra pour modèle Toto, Marco ou Piselli, pourtant bien plus réel que Tony Montana ou Tommy de Vito.
http://www.critiquesclunysiennes.com
4,0
Publiée le 9 janvier 2015
Magnifique descente aux enfers filmée presque comme un documentaire dans cette Italie gangrénée par la violence et la mafia, les personnages sont filmés avec talent, sensibilité et précision. Ici pas de pincette, mais la brutalité de la rue, la tension pure et dure, la violence puissante et déstabilisante. Grand Prix de Cannes en 2008 avec justesse !
4,0
Publiée le 24 août 2009
Ce film est très interessant en nous montrant d'un regard criant de vérité l'étendu du pouvoir de la mafia en Italie et cela est véritablement troublant. On s'y croirait, les différentes petites histoires nous expliquent les relations de chacun avec cette organisation et aussi la diversité des champs d'action de cette dernière. Des petits points noirs il y en a : on notera des longueurs et aussi parfois un manque d'explication dans l'histoire qui nous amène a se demander qui est qui (surtout pour l'histoire de la guerre dans la cité)
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