Quel grand film! Mais pas la peine d'y aller en espérant voir une version du Scarface de De Palma qui ferait dans la surenchère! Et pas la peine que les contempteurs de ce film nous fassent le coup du documentaire filmé n'importe comment non plus, c'est de la pure mauvaise foi. Oui, il s'agit d'un film réaliste, mais pas de ce que les éternels naïfs mettent derrière ce mot. C'est d'un vrai réalisme qu'il s'agit, d'une oeuvre qui part du réel, tente de regarder le monde et de le comprendre, et pour ce faire retravaille ce réel, l'organise, le recompose. Et elle le fait avec tous les moyens à disposition dans cet art qu'est le cinéma, de la composition des histoires, des situations, des personnages à leur inscription dans le décor, ici si important, et au choix de ce que capte la caméra. Et Matteo Garrone est un grand metteur en scène, dont on sent que chaque cadre, chaque mouvement est dicté par la volonté de montrer sans surligner, d'éliminer le gras pour gratter jusqu'à l'os et exposer le squelette dans son entier. Aucune dénonciation bêtasse dans ce film (sauf peut-être dans les cartons de la fin du film), aucune complaisance dans la représentation de la violence, juste un démontage des effets et une façon de faire comprendre la complexité des causes sans pour autant les assigner de façon trop claire ou trop plate. Le film n'est pas aussi violent qu'on le dit et que certains voudraient qu'il soit (d'où leur déception, la violence n'étant pas rendue glamour et ne permettant pas de s'en repaître à peu de frais), mais implacablement lucide dans son exploration des effets et méfaits de ce système qui rend inhumain. A voir absolument.