Gomorra n'a plus à craindre la colère de Dieu : ses habitants sont déjà damnés et vivent un enfer quotidien! Ce film, bien qu'adapté d'un roman, a des allures de documentaire. Car les quelques personnages dont nous suivons un instant la vie - et la mort - dans les griffes de la Camorra, évoluent dans une réalité terrifiante. Leur vie ne peut se concevoir sans la participation à des trafics en tous genres : drogue, armes, "gestion" des déchets toxiques, et même ateliers de couture. Toto n'est encore qu'un gamin mais il n'a pas d'autre avenir que d'entrer au service de la Camorra après avoir subi l'épreuve de "sélection". Marco et Ciro, deux crétins prétentieux et lâches, payent de leurs vies un vol d'armes et surtout leur bêtise de vouloir faire bande à part. Don Ciro est le caissier d'un clan : il distribue les "rémunérations" selon les services rendus, en particulier à Maria dont le mari est "tombé". Mais à cause de son fils, elle est éliminée sans pitié. Pasquale, couturier doué, supervise un atelier et pense améliorer l'ordinaire en donnant des cours à la concurrence asiatique : l'avertissement ne tarde pas sous forme d'un accident de voiture. Roberto enfin ne trouve pas de travail. Son père le présente à Franco qui "débarrasse" l'industriel le plus offrant de ses déchets toxiques. Stockés dans des lieux inappropriés, sans aucune sécurité, ils pourrissent les sols, contaminent l'eau et font grimper en flèche les statistiques des cancers. Roberto trouve le courage de dire "non" à cette infâmie et tourne le dos à la Camorra. Assassinats, trahisons pour un peu d'argent, mépris de la vie humaine, peur perpétuelle, absence d'espoir et d'avenir, tel est le destin de ceux que leur propre pays a abandonnés. Le constat est terrible, la solution bien complexe mais comment oublier le regard de Toto, acculé à sa première trahison, à sa première exécution? Oui, vraiment, Gomorra est bien la cité des damnés et le diable ne semble pas près de la lâcher!