« La Vague » sera loin d’être un naufrage !
Sorti en 2008 en salles, le film allemand a conquis du public depuis et n’a de cesse de représenter la dangerosité des comportements grégaires, poussés à leur paroxysme. Ici, on plonge au sein d’un établissement scolaire dans lequel le professeur Rainer Wenger prend le pari aussi risqué qu’intéressant de faire de sa classe un groupe uni par des valeurs et des symboles communs. Cette décision interroge et emballe autant qu’elle divise avant de prendre une tournure effrayante et de côtoyer la noirceur des régimes totalitaires.
C’est une claque à tous points de vue comme je les aime et, malgré le faible accueil que le film a eu lors de sa sortie en France, on ne peut que s’émerveiller de sa lucidité. J’ai toujours beaucoup de réticence à le faire mais je pense pouvoir aller jusqu’à le qualifier de « chef-d’œuvre ». D’autant plus que d’un point de vue cinématographique, la production ne semble pas colossale et possède quelques faiblesses - comme l’originalité des plans, le doublage de certains personnages, la qualité visuelle ainsi que les répliques de temps à autres écrites avec une étonnante candeur - mais le résultat est très bon. Et pour cause, c’est un drame intelligent et accessible qui ne se cache pas timidement derrière son sujet mais ose exposer sa richesse dans chaque idée en développant les plus infimes détails. On suit la fondation d’un despotisme qui se met en place avec tant de facilité qu’on ne peut que rester bouche-bée du début jusqu’à la fin.
Tout d’abord, les personnages sont sûrement une des principales forces de l’œuvre. Ils sont chacun campés par des acteurs très talentueux (mention spéciale pour Jürgen Vogel qui dépeint un professeur en lequel on accorde autant de confiance que de doute et à Frederick Lau qui nous fait comprendre l’instabilité de Tim avec un réalisme remarquable). Ils ont aussi la force d’être très bien écrits, parfois en les stéréotypant, mais toujours en nous faisant comprendre - de manière plus ou moins explicite - leur vie et les raisons qui les poussent à agir tel qu’ils le font, c’est très astucieux. Si vous vous ne pensez aimer que les grands procédés filmiques, c’est l’exemple parfait pour vous faire changer d’avis car pour une fois la réalisation de Dennis Gansel, dont je ne peux dire que du bien, se complaît derrière de fugaces transitions, notamment de nuit, et quelques musiques bien choisies, mais sans jamais mettre l’accent là-dessus. L’histoire se suffit à elle-même et le film marque sans avoir besoin d’une qualité irréprochable. Enfin, je suis dans l’obligation d’évoquer le dénouement. En effet, c’est après avoir joué avec la tension tout le long du film qu’elle surgit avec virulence dans une scène qui ne cesse de surprendre, utilisant un enchaînement de twists très impactants. On est effrayé par l’adrénaline qui monte, rassuré par la tension qui s’apaise, puis, véritable marionnette du réalisateur, tenu en haleine jusqu’alors, le tout dans un dernier plan aussi tragique que magistral, la peau parcourue de frissons depuis une dizaine de minutes. Foncez sans vergogne voir « La Vague » qui « surfera » je l’espère encore sur son succès, vous en ressortirez troublés et ébahis, l’esprit rempli de questionnements auxquels vous répondrez avec autant de plaisir que de malice. En tous cas, c’est ce que je vous souhaite.