C'est l'histoire d'une rencontre improbable entre un collectionneur esthète (premier acheteur de Picasso et de Braque, découvreur du douanier Rousseau), dont les origines allemandes sont peu appréciées dans la France d'avant-Première Guerre mondiale, et une artiste qui s'ignore, dénigrée à cause de ses modestes origines sociales. Deux êtres qui peinent à trouver leur place.
Martin Provost, le réalisateur, s'intéresse bien sûr plus particulièrement à Séraphine Louis, connue aujourd'hui sous le nom de Séraphine de Senlis. En suivant un axe chronologique (de 1914 à 1942), il offre de petites séquences de sa vie, enchaînées par des fondus au noir, comme autant de petites touches pour peindre son portrait.
Sur le fond, Séraphine apparaît comme un "coeur simple", à la Flaubert. Servante solitaire et rustre, elle parle aux arbres et aux animaux. Fervente croyante, dont le mysticisme confine à la folie douce, elle s'adonne à la peinture, écoutant une injonction de son ange gardien. Son style : naïf pour les uns, primitif moderne pour son mécène. Parmi ses secrets : la fabrication des couleurs à partir de ce qu'elle trouve dans son environnement (sang, cire, herbes et fleurs). Sur la forme, ce biopic mise sur un clair-obscur aux teintes souvent froides. Le résultat est austère, mais pas sans élégance.
Au final : une oeuvre délicate, sobre dans ses effets dramatiques, un peu monocorde aussi, mais surtout une oeuvre "incarnée", grâce à Yolande Moreau, étonnante. On ne pouvait rêver meilleure interprète.