Très bon film de Martin Provost (qui sort un peu du néant avec ce film - enfin de mon néant en tous les cas, il faut bien l'avouer) qui retrace la vie assez incroyable de Séraphine Louis, dont le destin est pour le moins particulier - le film retrace la transition entre son état de servante jusqu'à son "statut" de peintre. Venons-en à la réussite du film en plusieurs points : d'abord, évidemment le sujet absolument original, tiré d'un "fait réel" comme l'on dit si laidement, l'histoire d'une simple servante qui peint en secret, chez elle après les services de la journée, en dépensant tout le maigre pécule qu'elle gagne dans des pots de peinture et du matériel dans la boutique locale. Pour le dire simplement, ça serait assez vide si la peinture de Séraphine (Louis ou de Senlis pour son nom d'artiste) était mauvaise ; seulement le "mystère", c'est que sans avoir jamais pris de cours, Séraphine peint divinement bien (les peintures montrées dans le film suffisent à bluffer sur la beauté des toiles). Second point positif : le film est extrêmement fidèle à la simplicité de Séraphine ; disons qu'elle n'est pas abrutie, mais un peu naïve - les esprits les plus laudatifs diront que c'est une naïveté très noble, attentive à la nature, aux éléments (Séraphine, par exemple, adore les arbres, comme Francis Lalanne du reste... ; et elle les embrasse ou y monte pour trouver le repos... (je remets avec raison des points de suspension)). Bon je résume : le film est composé de plans simples, souvent fixes, avec très peu de mouvement, pas d'effets spéciaux et plutôt tout le contraire, mais cela n'enlève rien à la beauté des plans (notamment sur les plans de nature). Troisième gros point positif : Yolande Moreau, évidemment, primée d'un César, qui soutient tout le film à elle toute seule (par sa simplicité là aussi ; en tous cas elle est absolument crédible dans ce film).
Points négatifs à mon sens, même si je dois creuser un peu : musique un peu trop absente ou pas assez marquante. Longueur un peu excessive. Voilà, voilà... Je ne trouve pas grand-chose... Bon évidemment, les amateurs inconditionnels d'action, de sexe et de violence seront déçus, mais je ne vais quand même pas écrire pour eux (cette phrase est trop fausse pour continuer).
Le sujet traite d'un mystère je l'ai dit ; le problème ou l'interprétation un peu facile qu'on peut en faire, c'est évidemment d'en faire un miracle, ou du moins un mystère religieux (Séraphine est très pieuse), et le film insiste beaucoup sur cet aspect (Séraphine se dit guidée, appelée...). Mais je préfèrerais une autre interprétation dans une lignée disons nietzschéo-blanchotienne : Séraphine suit non pas la voix de Dieu, d'un ange ou d'une Sainte, mais quelque chose plus proche de la vie (la vie et la profusion, c'est ce qui ressort quand même des toiles, avec ces végétaux profus, multiples et multipliés (pour ne pas dire répétés)), quelque chose d'intarissable comme l'inspiration chez Blanchot, que Séraphine toucherait par le travail des formes (parce que oui, elle bosse sacrément dans le film, elle sacrifie même sa vie au travail). Alors voilà, Séraphine travaillant jusqu'au point de l'origine de l'art, qui est aussi folie, perte et dépossession de soi, ça me paraît tout de même plus convenable (la religion, alors, serait un prétexte, une accroche pour l'approche de ce point originel de l'oeuvre d'art).
Bon je n'en rajoute pas (et puis je ne sais pas du tout si l'auteur a voulu montrer ça après tout, mais ça peut se soutenir), mais pour l'art, la surprise, la folie, et Yolande, je mets 17/20. Et pis c'est tout.
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