J'ai du entendre parler de Maniac pour la première fois sur horreur.net, dans une liste du genre "Les 100 meilleurs films d'horreur de tous les temps."
De William Lustig, je connaissais déjà Maniac Cop, réalisé en 1988, que j'avais trouvé assez efficace dans son ambiance esthétique et qui proposait quelques plans assez canons, mais qui m'avait semblé un peu trop maladroit et même à certains moments à la limite du nanar. Maniac, c'est pareil, mais en mieux. Beaucoup mieux.
Pourtant, je m'attendais à pire: il s'agit du premier film du bonhomme après qu'il fait ses armes dans le porno, et a été tourné 8 ans plus tôt que Maniac Cop. Je n'en attendais rien, et c'est peut-être une chance de l'avoir découvert dans ce contexte.
Bien sûr, le film n'est pas parfait: il commence sur un homme, observant avec des jumelles un couple endormi sur une plage plongée dans une nuit américaine assez risible, et dont la respiration toute en grognements nous fait comprendre bien maladroitement qu'on n'est pas en présence de quelqu'un de sain. Je reviendrai sur la question de la respiration par après, mais comme introduction ça se pose là. Le tueur sort des dunes où il a dû visiblement se téléporter et tue le couple dans deux scènes un peu voyeuristes par leur longueur, mais pas malaisantes pour un sou aux yeux d'un habitué du genre en 2020 qui s'attend à un nanar gentillet un peu fauché au vu de la qualité toute relative des effets de sang. Puis, un cri réellement déchirant: celui d'un homme tiré d'un rêve affreux (dont on imagine qu'il s'agit de la scène précédente) et qui se rend compte rapidement qu'il se trouve dans son lit. Très sympathique plan en ombres et lumières cadrant les yeux hyper expressifs de Frank Zito (joué par Joe Spinell), qui finit par se lever, nous laissant ainsi voir sa compagne, allongée à côté de lui: un mannequin de femme au visage ensanglanté. La surprise est totale, les effets sont efficaces et on a vécu le temps d'un plan séquence de quelques secondes tout ce qu'on ressentira le long du film pour le personnage: de l'empathie, de la pitié, de la surprise, du dégoût et de la peur. Sans un mot. On saisit aussi les enjeux: il a visiblement un (très gros) problème avec les femmes. Changement de plan: on voit l'homme de dos, pleurer un peu puis se lever, ce qui nous permet de contempler son appartement, qui remplit le cahier des charges de la glauquerie pour les nuls: éclairage à la bougie (visiblement à peine allumées pour certaines alors que le mec dormait), portraits de femmes déchirés, poupées dégueulasses, armes, moulage en plâtre d'une bouche en plein cri, cible au mur, ainsi qu'une armoire à clés curieusement vissée au dessus d'une carte géographique, sans doute pour nous hurler aux oreilles que CET HOMME EST FOU !!!!
Tout le film alternera comme ça entre éléments nanars et expérience cinématographique hyper efficace. En cela, Maniac est un film à ne pas juger trop vite: j'évoquais plus haut la respiration grognante, ridicule, du tueur. Ridicule, elle ne l'est cependant que jusqu'au moment où l'on se rend compte que ce n'est pas sa respiration à lui, mais celle de la voix intérieure avec laquelle il converse parfois et qui le pousse à tuer, à son corps défendant. C'est donc à la schizophrénie du personnage que l'on assiste: il est habité par un monstre qui le fait profondément souffrir et au contrôle duquel il s'abandonne lorsqu'il chasse. Et c'est cette double personnalité qui nous permet à la fois d'entrer en empathie avec Frank Zito tout en continuant de le craindre lors des très efficaces scènes de chasse et de meurtre, avec une mention spéciale pour l'ascenseur émotionnel de l'éprouvante scène du métro.
Ainsi, d'autres éléments a priori un peu grotesques trouvent du sens un peu plus tard et participent à construire le personnage, comme la présence de jouets dans l'appartement ou la photo de femme encadrée, qui nous font pénétrer toujours plus loin l'intimité de Zito. En cela, Maniac est un film très voyeuriste et l'expérience pornographique du réalisateur n'y est peut-être pas étrangère. Tout est longuement montré, tout est très explicite: la contemplation du corps meurtri du "héros", la violence des meurtres (on assiste ainsi à une scène complète d'étranglement), ses pensées et ses émotions les plus intimes, bien que parfois absconses (il faut le voir hurler sur la tombe de sa mère, au son de ses traumatismes d'enfance), et ses fantasmes malades, jusque sur sa propre mort.
Je note 4 étoiles pour ce film à la qualité en dents de scie, mais qui va jusqu'au bout de sa démarche et qui propose un personnage à la fois vraiment attachant et repoussant, dans la même veine de films malades et voyeuriste que Massacre à la tronçonneuse, moins qualitatif toutefois.
PS: La VF est à éviter absolument.