Scarface : Surnom qu'on donna à Al Capone après qu'on lui taillada la joue à l'âge de 18 ans, lors d'une rixe dans une boîte de nuit.
Difficile de s'attaquer à un remake de l'immense oeuvre d'Hawks et De Palma a l'intelligence d'avoir considérablement changé la forme et le scénario (signé Oliver Stone).
Tony Camonte devient Tony Montana
La vente d'alcool lors de la prohibition par la mafia italienne
devient le trafic de coke par les cubains.
Les années 1930 et la censure deviennent les années 1980 et les excès
en tout genre.
Mais surtout, Tony Montana est un beauf.
Montana c'est le genre de gars minable qui représente à lui seul les défauts de la nature humaine. Ego surdimensionné, violent, individualiste, camé, agissant avant de réfléchir, vulgaire et ayant ce petit côté bling-bling faisant toute la différence. Et c'est ce gars-là qui devient adulé par tant de monde, ce qui permet à l'oeuvre de De Palma de rester ancré dans les mémoires collectives et de survivre à travers le temps.
Bon, autant le dire tout de suite je suis plutôt déçu par cette nouvelle vision, pas qu'il soit mauvais mais j'en gardais une telle estime, que de toute façon je craignais forcément une relecture. Mais là, le kitsch, la musique, l'excès... à un moment trop c'est trop et même si c'est le but, ça devient vite lassant.
Pourtant j'adore le concept de base, on ressent la patte d'Oliver Stone avec la vision politique et l'immigration de Cuba, l'opposition entre le régime de Castro considéré comme "communiste" que Montana égratigne à chaque occasion (évoquant l'appauvrissement, la privation de toute liberté etc) et celui américain, soit deux excès. D'ailleurs pour Montana, le seul moyen de s'en sortir sera dans le crime et via l'ultra-capitalisme yankee, ce qui va lui monter à la tête (déjà qu'elle n'était pas nette à la base) pour qu'il finisse renfermé sur lui-même, parano et plus capable d'avoir des amis ou quelconques relations normales.
De Palma lui s'intéresse beaucoup à l'ego, la démesure et les jeux de pouvoirs. Il met en scène un Montana à la candeur aussi grande que sa folie et en fait le modèle du gangster moderne, tout droit sorti du ghetto et dont les codes d'honneurs établis par Brando dans le Parrain semblent bien loin et dépassés. Pour lui, tout n'est que conquête, il n'y a pas d'amour, pas d'amitié, pas de plaisir, juste des conquêtes visant à assouvir sa soif de pouvoir. L'ascension foudroyante se fera dans la violence et De Palma conclut impitoyablement en perpétuant ce cycle où un lion en tuera toujours un autre lorsque le règne de celui-ci déclinera.
De Palma fait clairement dans le grandiloquent, le baroque, la violence et dans l'excès et si parfois, comme dit plus haut, ça devient un peu lassant, surtout pour 2h50 de film, ça n'en reste pas moins admirablement fait. Il y inclut tension lors de certains moments propices, livrant quelques scènes d'anthologies à l'image du face à face entre Montana et les colombiens, quand d'autres deviennent presque risibles justement à cause de la démesure et l'excès, tel le final, voire celle trop insistante sur les relations, limite incestueuses, entre Tony et sa soeur. On est en plein années 1980 et ça se ressent à tout point de vue (musique, certains effets de mode, cadre de l'histoire). Quant à Pacino, il est juste fabuleux en gangster violent, mégalo, parano, jouant avec un excès totalement justifié tandis que la magnifique Michelle Pfeiffer lui rend bien la réplique.
De Palma actualise la vision du gangster, la place dans son époque et à travers Tony Montana, dresse un portrait humain aussi effrayant qu'il est minable et mégalo. Malgré les excès en tous genres, Scarface n'en reste pas moins une oeuvre puissante, voire même fascinante.