Avant, bien avant Watchmen de Zack Snyder, le comic -book live de super héros resplendissait sur grand écran, au travers de Darkman, être né du roi du comic Sam Raimi. Il s'agit d'une histoire originale, qui ne provient ni de l'impressionnant catalogue de Marvel ou DC, et c'est aussi la meilleure transposition de comic à l'écran que Raimi ait faîte de toute sa carrière. Darkman en a bien plus l'esprit que les Spider Man, trop tiraillés par leurs obligations de blockbusters et la dose minimale de conformisme qu'ils sont obligés d'adopter pour ne pas déstabiliser le grand public auquel ils sont destinés. Certes Darkman est un projet d'une nouvelle ampleur pour Sam Raimi, qui vient alors d'être sacralisé dans le petit monde de l'horreur grâce à son Evil Dead premier du nom. Cependant, il le réalise avec l'aide d'amis et de son frère, il ne subit pas les immenses pressions des studios et peut ainsi insuffler à son œuvre toute la personnalité qu'elle détient. Pour terminer, il s'entoure de Danny Elfman à la musique, qu'il estimait énormément. Le monstre est en marche. Commençant par une bonne grosse bastonnade qui présente le méchant, Darkman s'affirme directement en tant que très fidèle représentant des comics. Un méchant soigné y est toujours important, et certes Robert Durant, si il n'a rien de charismatique et dérangeant tel les fleurons de DC (le joker, double face), mais il est convenablement écrit. C'est un gros dur grossier et brutal, qui ne lésine pas sur les moyens les plus cruels pour parvenir à ses fins. D'ailleurs la violence est très présente dans Darkman, le film est paradoxal en lui même car il suscite un enthousiasme puéril immodéré alors qu'il peut s'avérer terrifiant pour les gosses. Mais les enfants aiment avoir peur, cela les remuent intérieurement davantage, et les adultes ont besoin de sang pour être pris d'élans enfantins ! Le générique donne l'impression de plonger dans un monde de ténèbres, il est impossible de regarder le héros en face, les fusillades donnent lieu à de véritables boucheries. A côté de ça, on assiste à des séquences jubilatoire étonnante dont le point d'orgue est la prise de l'hélicoptère, on se régale d'effets de suspense ménagés et d'une narration vive qui bannit les temps morts. La photographie à croquer fait intervenir une palette de couleurs spécifiques à la bande dessinés : contrastes marqués, éclats exagérés...les décors s'inscrivent eux aussi dans cette mouvance, proposant une ville aux angles exagérés et un antre délabrés proche de l’expressionnisme allemand, on verse souvent dans une caricature savoureuse au pouvoir évocateur puissant. La partition impériale d'Elfman est clairement inspirée du premier Batman de Burton, mais se découpe en morceaux géniaux qui s'en détachent comme celui de la fête foraine. Des défauts inhérents à l’œuvre pourront rebuter certain, ce sont des passages un peu ridicules de transformation, de délires visuels qui en collant trop à l'esprit comic passent plutôt mal au cinéma. Mais bien entendu cela renforce la puissance « comic » du film. Enfin, parlons un peu de Darkman, incarné par un Liam Neeson qui livre une prestation très différentes de celles à quoi il nous a habitué, et qui constitue une de ses meilleures. Une victime, un anti-héros torturé, sombre, qui mène une double vie...ça rappelle Batman. Mais il est mut par un désir de conformisme, que sa défiguration refoule, et il déverse alors sa colère en vengeance noire et sinistre. Il y a des allusions à Quasimodo et Esméralda, à l'Homme qui rit de Victor Hugo (« je ne suis pas un phénomène de foire ! ») et c'est en cela que Darkman rentre instantanément dans le rang des plus prestigieux super-héros américains. Ceux qui appartiennent à une mythologie à part entière, en lien avec nos références classiques. Sans être trop pris au sérieux, mais toujours adoré en tant que « dieux du divertissement » que l'on n'a de cesse de souhaiter voir et revoir apparaître la cape à de nouveaux épisodes. Par ce statut, Darkman s'extirpe ainsi de la série B démentielle pour rejoindre, aux yeux d'un petit nombre de personne, le rang de culte.