Toutes les anecdotes qui entourent Ken Park sont aussi intéressantes que le film en lui-même. Première chose à savoir, c’est que Larry Clark s’est inspiré de faits réels pour créer ses personnages, que ce soit dans des faits divers ou même de personnes qu’il connaissait personnellement, qu’il a ensuite décrit à Harmony Korine (Gummo, Spring Breakers), le scénariste de Kids, son premier film, afin qu’il en écrive le scénario. Mais au-delà de ça, ce sont de vives polémiques et réactions, notamment au festival de Venise en 2002, qui ont fait la réputation du film. Ken Park est une oeuvre volontairement provocante, qui n’hésite pas à montrer une violence extrême et des scènes de sexe explicites et non-simulées. De quoi faire parler les moins préparés donc. Mais ce qui rend le film si intéressant, et on peut même carrément dire passionnant, c’est le traitement réservé à chacun des personnages. Le film ne porte aucun jugement sur eux, il ne fait que constater ce qui anime leur vie au quotidien, soit un ennui qu’ils essaient tant bien que mal de contrer à leur façon: Découverte de leur sexualité, qui est donc traitée de façon un peu crue mais finalement réaliste, escapades dans le monde de la drogue, mais aussi de toute la violence et la rage qui sommeillent en eux. Au-delà de ça, le film s’intéresse aussi au cas des parents, de classe moyenne, et aborde avec une intelligence rare cette peur de voir, et de se rendre compte, que leur jeunesse est passée, qu’elle ne leur appartient plus, et qui essaient de la revivre au travers des ces jeunes, et l’oppression, l’incompréhension, et surtout l’appréhension de la jeunesse face à l’âge adulte. C’est finalement un fort sentiment de désespoir qui caractérise Ken Park, mais un désespoir contré par une insouciance qui laisse place à un optimisme criant de beauté, magnifiquement montré au travers de cette très longue, et très belle, dernière séquence de sexe durant laquelle un personnage pose cette question existentielle, marquant ce passage si redouté à l’âge adulte et qui ne trouvera pas sa réponse: "alors, qui es-tu?". Pour coller à la touche réaliste du film, voulue par Larry Clark, on notera dans les points forts du film cette collaboration parfaite entre les acteurs professionnels, incarnant les personnages adultes et leurs caractères complexes, et des acteurs alors complètement inconnus et amateurs qui donnent vie à ces jeunes que l’on suite pendant une heure trente. En conclusion: Ken Park n’est pas un film à mettre entre toutes les mains, mais il se doit d’être vu tant le message qu’il véhicule est fort. Ken Park est une oeuvre provocante, désespérée et malsaine, mais d’une intelligence rare, qui ne porte pas de jugement et qui laisse une place à l’optimisme! Un film qui ne laissera personne indifférent, que ce soit en bien ou en mal, un film que vous n’êtes pas prêts d’oublier de sitôt, et surtout un véritable chef d’oeuvre cinématographique.