Totalement incompris lors de sa sortie en salle en 1999, aujourd’hui adulé par les cinéphiles comme un chef-d’œuvre du cinéma, Fight Club est un des films les plus déments que j’ai jamais vu, le genre de film, qui, quand vous le voyez, vous donne ce qu’on appelle une belle claque cinématographique. Le narrateur de l’histoire, sans identité précise, vit seul, travail seul, mange seul ses plateau-repas pour une personne comme beaucoup d’autres personnes seules qui connaissent la misère humaine, morale et sexuelle. C’est pourquoi il va devenir membre du Fight Club, un lieu clandestin où il va pouvoir retrouver sa virilité, l’échange et la communication. Ce club est dirigé par Tyler Durden, une sorte d’anarchiste entre gourou et philosophe qui prêche l’amour de son prochain. Attention cette critique contient de très gros spoiler donc ceux qui n’ont pas vu le film et qui désir le voir je vous conseil de le regarder puis de revenir lire cette critique si vous le souhaitez. Sorti en novembre 1999, Fight Club fut sans doute le film le plus original et dément en cette fin de XXème siècle. Accueillit par un flot de critiques négatives, Fight Club fut qualifié entre autre de « film raté » accompagné d’une « violence malsaine », de « délires fascistes », un film « assommant » voire même « dégueulasse », bref à l’époque, le film est accueillit comme une daube. Et la malédiction ne s’arrête pas là, car le quatrième film du talentueux réalisateur rebelle et punk de l’époque qu’étais David Fincher, aujourd’hui considéré comme un grand réalisateur reconnu, fut un échec au box-office avec seulement 37 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis pour un budget de 63 millions de dollars. Le film se rattrapa heureusement à l’international pour finir avec un peut plus de 100 millions de dollars de recettes dans le monde. Comparé à la précédente réalisation de David Fincher, The Game avec Michael Douglas, Fight Club est un échec commercial. Mais grâce aux sorties DVD, ce film controversé fut vite réévalué par les spectateurs et la critique et ainsi élevé au rang de film culte par excellence, devenant ainsi une œuvre majeure de la filmographie de David Fincher. Ayant vu une majeure partie de sa filmographie : Seven, Fight Club, Panic Room, Zodiac, The Social Network et Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes, je compterais également sa série House of Cards, je peux désormais dire que Fight Club est mon film préféré de David Fincher avec son thriller culte qu’est Seven. Réalisateur passé maître dans le genre du film à la fois divertissant et prise de tête, ici, avec Fight Club, David Fincher livre sans doute son œuvre la plus complexe et dérangeante sur le plan psychologique. Adapté du roman éponyme de Chuck Palahniuk publié en 1996, Fight Club par David Fincher est une sorte de thriller philosophico-social et une œuvre existentialiste qui interroge sur beaucoup de choses, comme le travail, l’existence, le réel, la société de consommation, l’identité, la religion ou encore l’intersubjectivité. On ne s’étendra pas sur tous les sujets car étant parfois complexes à expliquer mais certains, très clairs, alerterons forcement le spectateur. D’abord, la critique qui ressort immédiatement de ce film c’est celle de la société de consommation. Par exemple, au début du film, le personnage d’Edward Norton commande tout un équipement pour meubler son appartement, signe qu’il est victime de toutes ces stratégies de vente des grandes entreprises, une critique qui est d’ailleurs bien illustrée par cette réplique : « Si je voyais une nouveauté ingénieuse comme une table basse représentant le yin et le yang, il fallait que je la possède. ». De plus, le film aborde également une critique de la publicité qui véhicule notamment l’image de l’homme idéal qui devrait être musclé, et de la femme idéale, généralement mince. Fight Club est donc bien plus qu’un simple film de « baston », c’est un film qui amène à réfléchir sur différents domaines. Le personnage le plus marquant du film, celui de Brad Pitt, représente l’anarchie, et selon lui, pour être libre et vivre pleinement, il faut rependre et passer par l’anarchie. Il créer donc un club où des hommes, victimes du mal-être de la vie, vont se battre à mains nues pour s’exprimer, retrouver leur virilité, goût à la vie et leur identité. Le film interroge sur cette notion d’identité par le biais du personnage principal de l’histoire, le narrateur interprété par Edward Norton, qui intègre le Fight Club pour toutes les raisons exprimée ci-dessus. A travers cette quête d’identité du personnage, intervient donc le thème de la schizophrénie, puisque le personnage de Norton, n’aimant pas sa vie du quotidien, s’est inventé une double personnalité, celle de Tyler Durden, avec laquelle il peut enfin faire tout ce qu’il ne pouvait faire avec sa véritable personne. D’un point de vue philosophique certains distinguent une interprétation du ça, du moi et du surmoi de Sigmund Freud. Le « moi », qui assure la stabilité du personnage, peut-être représenté par le personnage d’Elena Bonham Carter qui amène le personnage à réfléchir sur ses actes, le « ça » se retrouve lorsque le personnage rencontre Tyler et se laisse guider par ses pulsions et le « surmoi » du personnage qui est au début très fort, se retrouve dans sa vie organisée et ses amis qui n’existent que pour qu’il puisse en tirer profit, les groupes de paroles par exemple. Le film met bien en avant la composition de ce que l’on appelle le vrai soi qui comporte un soi conscient et un soi inconscient. Le soi conscient du personnage d’Edward Norton s’intéresse à ce qui est superficiel comme son appartement et ses meubles, tandis que Tyler, qui est le soi inconscient du personnage de Norton, se laisse aller à ses pulsions et au plaisir. Finalement, Tyler Durden est le côté obscur du narrateur, il représente toute sa violence, son dérangement psychologique, ses pulsions, son côté anarchique,… Le film montre également la création du personnage de Tyler dans l’esprit du narrateur au tout début du film notamment avec ses apparitions subliminales, brillante idée de mise en scène de David Fincher. Bref, Fight Club est un film avec une portée philosophique passionnante à laquelle il faudrait des heures pour y répondre précisément, c’est un film qui doit se regarder plusieurs fois pour bien repérer toutes les critiques qu’ont voulut faire passer le réalisateur et le scénariste. Mais ce chef-d’œuvre de David Fincher fut également un film révolutionnaire, tant dans son histoire avec sa narration, que dans sa mise en scène brillante. Des scènes incroyablement stylisée peuplent ce film, entre le générique survolté qui nous entraîne dans le cerveau malade d’Edward Norton, les combats ultra-violents, les images subliminales dont la dernière à la toute fin du film, les scènes en numérique filmée au ralentit, le plan final avec les tours qui s’effondrent qui font penser au attentats du 11 septembre 2001 sur le World Trade Center, le film est sorti deux ans avant le drame. David Fincher fait preuve d’inventivité dans sa mise en scène ce qui permet à Fight Club d’être aujourd’hui encore toujours aussi bluffant et ce quinze ans après sa sortie en salle, et l’on retrouve tout le style du réalisateur, notamment dans l’ambiance qui est noire, glauque et violente. Et si le film captive, c’est aussi grâce à ses acteurs, tous formidables dans leur rôles, en particulier Edward Norton qui joue à la perfection l’individu schizophrène dérangé par son double maléfique, interprété lui, par un épatant Brad Pitt qui se trouve ici dans un rôle dans lequel on le voit rarement. Fight Club est donc un chef-d’œuvre du cinéma, un film complexe avec des réflexions philosophiques notamment sur le conscient et l’inconscient, et possède des critique de l’ordre du social avec notamment celle de la société de consommation. Fight Club est un film majeur de la fin du XXème siècle : sombre, violent, humour noir redoutable, révolutionnaire par sa mise en scène, son montage et sa narration et est peut-être une œuvre en apparence divertissante mais qui dans le fond est bien plus que ça car interrogeant sur de nombreux sujets. Terminons cette critique par ce qui est sans doute la meilleure réplique du film : « La première règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club. La seconde règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club. ».