Fight Club, ce fameux trublion. Trublion en caoutchouc, inutile de préciser. En effet, Fight Club n'a de sème-trouble qu'un personnage, et un acteur. Le personnage, c'est Tyler Durden, incarné avec maestria par Brad Pitt, complètement survolté, malade, gorgé de psychédélisme excentrique. David Fincher admire cet agitateur de première, allant même jusqu'à le filmer comme un modèle, un fantasme. Et c'est bien le problème : Tyler n'est qu'un fantasme. Son anticonformisme, ses convictions contre la société de consommation, tout cela est vain, puisque Fincher met en scène 2h de spot de pub, bourré d'effets futiles et superficiels : ralentis en tout genres, mouvements rapides de caméra, montage survitaminé, images subliminales... En somme, tout ce que Tyler répudie. Image de notre temps, condamné à ne pouvoir que rêver une quelconque porte de sortie à la société de consommation ? Pourquoi pas. En soi, c'est une intention louable, mais cela fait de Fight Club une basique dissertation : thèse (Tyler), antithèse (mise en scène), synthèse (les deux ensemble, une harmonie paradoxale). Son aspiration au beau en tant qu’œuvre d'art est alors réduite à néant. Fight Club est outrageusement didactique, Fight Club est profondément binaire, et Fight Club est moche : son montage n'évoque rien et son image est ingrate. Le film de David Fincher, pour atteindre son propos pompeux, accomplit l'impensable pour un objet artistique : une autodestruction esthétique.