Mathieu,
Je ressors d’une virée dans ton cabaret électrique, étourdi par une œuvre qui ne ressemble à aucune autre… Tout d’abord comment as-tu dégotté ces cabarets girls hors-normes dont les personnalités gratinées épousent si parfaitement les formes généreuses ?
Armées de poitrines plantureuses, de rouge à lèvres carmin, de plumes et de paillettes, ces divas s’en donnent à cœur joie, au gré d’une folie exubérante dictée par des lubies et des caprices qu’on ne saurait leur refuser.
Dans l’intimité des coulisses, dans le flou mystérieux laissé par les volutes de poudre et les fragrances, les portraits volés que tu esquisse de ces showgirls irrévérencieuses et insaisissables les dévoilent tour à tour provocantes dans leurs numéros, passionnées dans leurs emportements, touchantes dans leur solitude, en toute circonstances irrésistibles et divines. Il faut dire qu’elles ne reculent devant rien, et sûrement pas devant l’originalité new burlesque de leurs numéros qu’elles exécutent avec une grâce pétulante et scandaleuse. Les couleurs sont flamboyantes, et les costumes, taillés dans l’outrance esthétique affirmée par le new burlesque.
Ces shows relèvent véritablement de l’inédit pour le cinéma, et plus atypique encore, tu les filme avec un œil vif et curieux, et surtout, souvent distancé, privilégiant la performance de la danseuse dans le cadre, évitant rigoureusement une mise en scène et un découpage aux manières glamour ou spectaculaires.
D’ailleurs, on croirait qu’en dépit de cette galerie de personnages extraordinaires, tu as évité tout effet de spectaculaire... Loin du rétro glamour et branché façon Moulin Rouge, ton film est « off the road », depuis les cabarets du Havre à un grand hôtel désertique du Sud, chaque arrêt de ce road trip est un coin de province en bord de mer, un pied à terre toujours ouvert sur le voyage. Et c’est dans ces bouteilles jetées à la mer que ressort le caractére poétique et mélancolique de cette tournée pétillante et inattendue…
Amalric, tu me fais « tournée » la tête… Mais pourquoi n’est-il pas aussi coquin, aussi fou, aussi enivrant que je l’imaginais ? Peut être parce que paradoxalement, la meilleure idée du film marque aussi sa limite : ton histoire - et ça tu l’annonces d’entrée de jeu - est celle d’un producteur, pas d’une troupe de cabaret girls. Mais force est de constater que l’arrivée de ces filles pleines de chien brouille les cartes et change la donne…si bien que l’on est finalement déçu que le film ne tourne pas juste autour d’elles.