Permettais moi une lecture du film pour une meilleure compréhension, toujours meilleur que la plupart des critiques qui laissent souvent transparaitre une vision décousue, une trame d'idées qu'ils ne peuvent épouser dans une compréhension totale du film de Coppola.
Mon interprétation sous-entend que le vieil homme rêve avant de mourir. Rêve Freudien pour la valorisation d'un état psychique souvent déconsidéré par ailleurs, les critiques pensent parfois que Coppola fait preuve de "légèreté" pour un mysticisme ou une symbolique grossière, moi je pense que non.
Le plus grand désir du vIeil homme étant l'achèvement de son oeuvre, évidemment. Par cette fabuleuse chance qu'il s'accorde dans la réécriture de son histoire, condensation d'images rêvées des instants les plus importants de sa vie, où il se voit comme le détendeur d'un savoir convoité par tous.
Dans cette renaissance, les scènes en référence aux "forces surnaturelles" (télékinésie, métempsychose,...) doivent donc être analysées et reconsidérées sous l'oeil critique, ainsi par exemple, de lire un livre sans en ouvrir les pages renvoie à l'idée qu'il est humainement impossible (à l'échelle d'un seul homme) d'accomplir une oeuvre aussi colossale que celle de la recherche du protolanguage et du début de la conscience humaine.
Autre exemple, l'apparition de sa muse sous les traits de sa défunte compagne, permet le mariage autrefois avorté de l'accomplissement de son oeuvre et de sa vie de couple, une symbiose tellement parfaite que la femme devient l'inspiratrice et qu'il suffit à l'homme de puiser au coeur même de la source, de la matrice. Dans le rêve c'est l'idée contraire à la réalité, le conduisant de manière inexorable vers une vie solitaire, de penseur ascétique, coupé du reste du monde, oublié dans l'inachèvement de son oeuvre par faute de temps et de matériaux.
Dans cette renaissance, l'apparition de son double et le moteur même de cette nouvelle dynamique. Ainsi par référence à l'inconscience et sa violence intrasèque, un nouveau savoir devient possible.
Sa nouvelle compagne devient pour son double un cobaye prêt à être sacrifié sur l'autel du savoir, l'espionne à la solde des nazis une pulsion assumée, la capture par le scientifique nazi une attraction possible.
Mais jamais le linguiste décide de passer dans un camp ou l'autre, il reste en territoire neutre, en Suisse.
A noter que la proposition de ralliement par les alliés (la scène avec le personnage interprété par Matt Damon) est tout aussi illusoire pour le linguiste que de travailler pour les nazis.
Mais cette seconde vie est tout autant un échec que la première, pourquoi ?
Parce que le linguiste entrevoit la fin de son oeuvre et la conclusion lui déplait profondément :
"Le bien et le mal perdent de leur sens, dans l'absolu l'être fini par coïncider avec le non-être."
(Lecture de son manuscrit vers la fin du film).
Il faut se rappeler que la passion du linguiste est la philosophie des religions et qu'il se trouve alors en opposition d'avec ses valeurs, il préfère briser le miroir pour faire disparaitre son double plutôt que de s'assumer ainsi. Se faisant il décide une nouvelle fois de ne pas achever son oeuvre, ou bien prend il conscience de la dureté de sa mission.....