Tommaso Buscetta (prononcez "Boucheta"), aussi appelé Don Masino, est un personnage fascinant qui a marqué à jamais l’histoire de la lutte contre la mafia. C'est son parcours qui est raconté dans Le Traître, le formidable long-métrage de Marco Bellocchio, sorti en 2019 et que la chaîne Arte diffuse ce soir.
Né à Palerme en 1921, Tommaso est le plus jeune d’une famille pauvre comprenant 17 enfants. Marié très jeune, Buscetta a déjà deux fils à seulement 16 ans. Il commence sa carrière dans le crime en 1945. Il montre vite ses compétences et progresse rapidement au sein de la hiérarchie de Cosa Nostra, la mafia sicilienne. L'homme est intelligent, charmant, efficace et doté d’une autorité naturelle.
Tommaso est un mafieux fidèle à Cosa Nostra, mais aussi à ses principes personnels, ne craignant pas de contester l’autorité, à laquelle par ailleurs, il refuse de prendre part. De la fin des années 1970 au début des années 1980, il doit faire face à la montée en puissance des corléonais, dirigés par l’implacable Toto Riina.
Ce nouveau groupuscule est impitoyable, et bafoue les principes fondamentaux de Cosa Nostra : ils tuent femmes, enfants et éliminent tout obstacle sur leur passage. Tommaso Buscetta ne trouve plus sa place. Le criminel fuit alors vers le Brésil. Sur place, il est très vite arrêté par la justice brésilienne puis incarcéré en Italie.
En 1980, il parvient à s’évader et repart au Brésil afin d’échapper à la guerre des mafias. En 1982, alors qu’il s’est remarié avec Cristina, une jeune brésilienne avec qui il a 2 jeunes enfants, Buscetta est à nouveau arrêté par la police brésilienne.
Fatigué, lassé par les exécutions de ses proches, et surtout par l’assassinat sauvage de ses deux fils ainés, il tente de se suicider en s’empoisonnant. Sauvé de justesse, il est extradé vers l’Italie. Une fois de retour dans son pays, Tommaso va prendre une décision qui va changer sa vie et celle de la mafia. Il rencontre le juge Falcone et va collaborer avec la justice.
Les informations données par Buscetta aux autorités italiennes sont les plus importantes jamais fournies. Pour la première fois, il est possible de faire vaciller Cosa Nostra. 475 personnes sont arrêtées, le premier "Maxi-Procès de Palerme" a lieu. Buscetta est le témoin principal. En montant à la barre, il prend des risques considérables, se mettant à dos l’ensemble de Cosa Nostra.
Malgré le danger, le mafieux garde sa ligne de conduite : "Par le passé, la Cosa Nostra n’avait rien à voir avec l’entité perverse qu’elle est aujourd’hui. […] J’ai décidé de collaborer avec l’Etat pour empêcher que d’autres croient en la dignité et l’honneur de Cosa Nostra. Ces valeurs ont été ensevelies sous une montagne de victimes innocentes." L’organisation criminelle a tué deux de ses enfants, des membres de sa famille, des amis. Il ne le sait pas encore, mais en trahissant la mafia, Buscetta va porter un coup dévastateur à Cosa Nostra.
À l’issue de ce procès, 360 personnes seront condamnées. En 1992, le juge Falcone est assassiné. Buscetta décide alors d’aller plus loin et de dénoncer les liens entre la mafia et des hommes politiques italiens. Les révélations de Don Masino mettent en cause des hommes puissants comme Giulio Andreotti, un ancien premier ministre, incarné au cinéma par Toni Servillo dans le merveilleux Il Divo.
Pour assurer sa tranquillité et son anonymat, Buscetta subit une opération de chirurgie esthétique et repart au Brésil puis aux États-Unis où il finira sa vie, sous le régime de la protection des témoins. La plus grande victoire du gangster réside certainement dans sa fin. Il meurt d’un cancer en 2000. Après une vie agitée par les meurtres et les règlements de comptes, il finira ses derniers jours en toute tranquillité.