De quoi ça parle ?
Au cours d'une expulsion brutale dans un quartier modeste de Madrid, un immigré africain meurt en tombant au sol de plusieurs étages. Le département des affaires internes de la police prend le relais afin de déterminer s'il s'agit d'un homicide involontaire ou d'une négligence de la part des six agents de la police anti-émeute qui ont participé à l'opération d'expulsion des locataires.
Antidisturbios, créée par Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña avec Vicky Luengo, Raúl Arévalo, Álex García, Hovik Keuchkerian et Roberto Álamo. Episodes vus : 6/6
C’est avec qui ?
Pour sa première série, le cinéaste Rodrigo Sorogoyen (Madre, As bestas) s’entoure d’acteurs et d’actrices tous charismatiques et malheureusement peu connus de ce côté des Pyrénées. Parmi les premiers rôles, on reconnaît malgré tout Hovik Keuchkeriandans le rôle de Salvador Osorio à la tête de la brigade anti-émeutes Puma 93. A mille lieues de Bogotá qu’il interprète dans La Casa de papel.
Ça vaut le coup d’œil ?
Antidisturbios démarre sur un épisode très fort qui ne ménage pas le spectateur. On est embarqué au sein du groupe anti-émeutes composé de six agents. Ils sont envoyés en mission pour assister une expulsion dans un quartier populaire de Madrid. Mais dès leur arrivée, ils doivent faire face à une situation inattendue : une trentaine de personnes les attendent à l'intérieur de l’appartement et ne sont pas disposées à leur permettre d’agir sans résister.
En sous effectifs et contraints par leur hiérarchie de procéder malgré des conditions délétères, la situation s’envenime jusqu’au drame. Un immigré sénégalais présent lors des faits est victime d’un mouvement de foule, tombe dans le vide et meurt.
Cet évènement tragique va être le déclencheur d’une enquête des affaires internes, menée par Laia Urquijo (Vicky Luengo). La jeune femme, avec un sens aiguisé de la justice, plonge dans cette affaire qui se révèle beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Bien qu’elle se heurte à un mur, formé par les six policiers qui ont coordonné leur discours, elle s’acharne à découvrir la vérité.
Chaque épisode porte le nom d’un des membres de la brigade. Le dernier, lui, est nommé "Urquijo", du nom de l’enquêtrice acharnée de la police des polices qui met au jour une vilaine affaire de gros sous. Ce choix marque la volonté des auteurs, Isabel Peña et Rodrigo Sorogoyen d’embrasser la police dans son ensemble.
Car cette mini-série choc de six épisodes livre une perspective inédite sur des policiers qui ne sont pas les héros habituels de fiction. Surtout, Sorogoyen les filme au plus près, rentre dans leur intimité et s’applique à ne pas les juger. Ni héros, ni salauds, ils sont mis à nu avec toute leur complexité et leurs contradictions.
Le cinéaste ne part jamais à la recherche du spectaculaire. Le spectacle se situe dans les regards désabusés de ces policiers usés jusqu’à la corde. On étouffe au contact de ce quotidien toujours plus pesant. Ce n’est pas juste un fait divers qu’il met scène, il interroge une société entière.
Antidisturbios pose la question de la violence. D’où vient-elle ? Qui la distribue ? Pourquoi ? Dans quelles proportions ? La question dépasse le fait des violences policières mais s’intéresse à celle qui s’est ancrée dans notre quotidien et qui est devenue ordinaire. Une violence à laquelle on ne prête presque plus attention. Antidisturbios est une œuvre puissante qui interroge la société et la regarde droit dans les yeux. Indispensable.