En cette période un peu spéciale rythmée par le coronavirus, confinement rime tout de même beaucoup avec écrans. C'est l'occasion de découvrir des films, de binge-watcher des séries, de rattraper des pépites à côté desquelles on serait passé par manque de temps. Cela tombe bien, Killing Eve, qui est tout simplement l'une des meilleures séries du moment, est disponible sur myCanal. Cantonnée à un travail de bureau bien peu passionnant, l'agent du MI5 Eve Polastri est frustrée par une existence bien monotone. Jusqu'au jour où elle se retrouve à traquer une tueuse en série psychopathe surnommée Villanelle... Voici trois bonnes saisons de découvrir ce petit bijou de thriller, créé par Phoebe Waller-Bridge, génie britannique de l'écriture à l'origine de Fleabag et emmené par le duo d'actrices exceptionnel que forment Sandra Oh et Jodie Comer.
Une écriture brillante qui renouvelle le genre
C'est donc Phoebe Waller-Bridge, showrunneuse de la première saison de le série produite par BBC America, qui en a donné le ton : Killing Eve sera une pépite absolue de mauvais esprit, féministe et tranchante, ou ne sera pas. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la recette fonctionne, car alors même que la saison 3 vient de débuter, le show a déjà été renouvelé pour une quatrième saison. Killing Eve, adaptée d’une série de nouvelles de Luke Jennings compilées dans un ouvrage intitulé Codename Villanelle, reprend une recette traditionnelle de nombreux thrillers qu'on a pu voir ces dernières années : celle du héros qui traque sans relâche son antagoniste, sa némésis, souvent au péril de sa santé mentale et de sa vie, autant poussé par sa conscience professionnelle que par une fascination malsaine. Sauf qu'elle la transpose au féminin.
La transposition d'une configuration héros contre antagoniste qu'on peut considérer comme habituelle, à deux personnages féminins, bien écrits, complexes, troublants et attachants, donne immédiatement à Killing Eve un souffle novateur. Et en transposant le modèle, Phoebe Waller-Bridge le déconstruit. Dès le pilote, on comprenait qu'il s'agissait en partie de montrer que raconter une histoire que d'aucuns qualifiraient de classique avec un autre point de vue suffit à dépoussiérer le concept.
Une équipe créative à majorité féminine
L'équipe de production est majoritairement féminine, tout comme celle des scénaristes, et la plupart des épisodes sont réalisés par des femmes. Quant au poste de showrunner, il est renouvelé chaque saison et toujours occupé par une showrunneuse. Ainsi, après Phoebe Waller-Bridge, le siège était occupé par Emerald Fennell en saison, puis par Suzanne Heathcote cette année pour la saison 3, et c'est Laura Neal qui devrait diriger les opérations pour la saison 4 à venir. La bande-originale, quant à elle, est essentiellement composée de titres interprétés par des voix féminines : celle de Jade Vincent, chanteuse du groupe Unloved, résonne à plusieurs reprises, et on entend aussi Françoise Hardy, Anna Karina ou Brigitte Bardot.
Pour autant, Killing Eve n'est pas écrite qu'à l'attention d'un public féminin (qui aurait pu se sentir sous-représenté à l'écran - et à juste titre - dans un genre pourtant particulièrement affectionné par les femmes), mais montre au contraire qu'on peut injecter du féminisme dans une oeuvre par ailleurs rythmée par le féminin sans laisser le public masculin de côté. Les hommes aussi ont besoin d'héroïnes, écrites et dirigées par des femmes. Le monde a besoin d'héroïnes, et d'antihéroïnes.
Des comédiennes (et des comédiens) qui crèvent l'écran
Killing Eve a beau être brillante, noire à souhait et soigneusement mise en scène, elle ne serait rien sans ses acteurs. D'abord, sans l'interprétation magistrale de ses deux interprètes principales : Sandra Oh, qu'on adorait déjà dans Grey's Anatomy, captivante et juste dans le rôle d'Eve Polastri, brutalement extirpée de son quotidien fort ennuyeux et à qui l'on offre la possibilité inattendue d'éprouver son talent d'enquêtrice et par là-même ses limites ; et Jodie Comer, que l'on connaissait moins en France et qui est une véritable révélation dans le rôle de Villanelle, dont la cruauté, que n'égalent que son humour et son amour des belles choses, nous ravit à chaque instant.
Leurs performances, qui se répondent et se complètent, sont rehaussées par celles, moins flamboyantes mais tout aussi impeccables, des seconds rôles : Fiona Shaw en tête en directrice de section du M6 à la main de fer, Sean Delaney en side-kick dévoué, Owen McDonnell en mari délaissé ou encore Kim Bodnia en mentor désabusé. On s'attache sincèrement à tout ce petit monde et on en redemande, tant la mécanique est bien huilée. Après une saison 1 proche de la perfection, la saison 2 a amplement tenu ses promesses et on peut d'ors et déjà dire que la saison 3, dont la diffusion a commencé la semaine dernière, démarre très fort. Heureusement, l'épisode 2 est disponible dès aujourd'hui sur myCanal.
La bande-annonce de la saison 3 :