Avec Fleabag, Killing Eve et plus récemment la série HBO Run dont elle est productrice, Phoebe Waller-Bridge est désormais une créatrice, scénariste et actrice de renom qui transforme tout ce qu'elle touche en or. Son talent, récompensé par 3 Emmy Awards et 2 Golden Globes, lui a même ouvert les portes d’une célèbre saga cinématographique : la franchise James Bond. Retour sur l’ascension fulgurante de Phoebe Waller-Bridge, une artiste aux multiples casquettes qui fait désormais partie des femmes qui comptent dans le milieu.
Née le 14 juillet 1985 à Londres, Phoebe Waller-Bridge, passionnée de théâtre, suit les cours de la Royal Academy of Dramatic Art dont elle ressort diplômée en 2006. Elle enchaîne les performances sur les planches dans plusieurs pièces dans différents théâtres de Londres et fonde la compagnie théâtrale DryWrite avec sa meilleure amie Vicky Jones. En parallèle, Phoebe Waller-Bridge apparaît également dans quelques films et séries dont Broadchurch. L’actrice avait même passé un casting pour le rôle d’une des soeurs Crawley de la célèbre série Downton Abbey sans succès car son essai sur une scène dramatique a fait rire le réalisateur. Un premier indice sur son potentiel comique émane indéniablement de cette anecdote.
Phoebe Waller-Bridge, une "fleabag" assumée
En 2013, elle se lance avec son one-woman show, Fleabag (sac à puces, en français), créé à Edimbourg à l’occasion du Fringe Festival où elle remporta un prix. Phoebe Waller-Bridge y dépeint sa vie personnelle et son quotidien avec un humour sarcastique très britannique et un ton authentique et moderne. Dans une interview pour The Guardian, la comédienne explique sa volonté de sincérité dans l’écriture de ce personnage, qui deviendra une héroïne de série plus tard : "J’écris du point de vue que j’aimerais voir. Je satisfais mes propres envies. Donc je pense que je suis attachée aux femmes transgressives, aux amitiés controversées et à la douleur. J’adore la douleur".
Ecrire ce personnage féminin, et tous ceux qui suivront, est un exercice cathartique pour elle, presque une forme de thérapie. C’est une manière aussi de s’affranchir de son éducation catholique, en témoigne la saison 2 de Fleabag et sa relation passionnelle avec le "Hot Priest" (Andrew Scott), sans outrage mais irrévérencieuse. Phoebe Waller-Bridge explore et décortique les aspects plus sombres, plus complexes et donc bien plus intéressants de la gent féminine en s’éloignant des stéréotypes et en tordant le cou aux représentations ultra sexualisées et réductrices qui sont monnaie courante au cinéma et à la télévision. Au Guardian, elle ne manque pas de rappeler que rien n’aurait été possible pour elle sans le soutien sans faille de sa meilleure amie Vicky Jones, qui a mis en scène sa pièce. Leur rencontre "a donné un sens à sa vie". C’est grâce à ce puissant esprit de sororité que Phoebe Waller-Bridge est montée sur scène, soutenue par Vicky Jones qui a convaincu le directeur artistique du Soho Theatre de Londres de leur donner une chance.
Après ce one-woman show, première pierre à l’édifice réussie de son univers unique, Phoebe Waller-Bridge use et abuse de son sens des mots, crus mais justes, qui lui permettent d’écrire sa toute première série, Crashing, en 2016 pour la BBC. Très appréciée par la critique, cette série rafraîchissante et avant-gardiste, dans laquelle elle tenait le rôle principal, narrait la vie de six jeunes colocataires éclectiques et un peu paumés qui squattaient un hôpital désaffecté alors que la crise du logement faisait rage en Angleterre. Même si cette sitcom assez unique en son genre ne connaît qu’une saison, ce premier essai à la télévision est une réussite pour Phoebe Waller-Bridge qui la poussera la même année à adapter son seule en scène en série.
Naît alors Fleabag, série transgressive et ultra moderne qui brise tous les codes jusqu’à son quatrième mur pour mettre en scène une Phoebe Waller-Bridge plus drôle et incisive que jamais. L’actrice britannique raconte son quotidien drôle et touchant de londonienne moderne, paumée et sarcastique à la sexualité libérée. Cette série cinglante et intelligente fait mouche et permet à Phoebe Waller-Bridge de connaître un succès retentissant avec une première saison savoureuse et une excellente saison 2 saluée par la critique. Un remake français porté par Camille Cottin mais assez fade, Mouche, voit même le jour sur Canal+. L’actrice britannique confirme son talent par la suite et continue son ascension sur le réseau BBC avec Killing Eve, produite par BBC America. Plus en retrait cette fois-ci, elle crée, produit et scénarise cette adaptation de la série littéraire Codename Villanelle de Luke Jennings. Ce thriller dramatique, porté par Sandra Oh et Jodie Comer, duo impeccable et en osmose, narre le jeu du chat et de la souris sanglant, dangereux, excitant et érotique entre Eve Polastri, une agente du MI-5, et Villanelle, une assassine psychopathe.
Avec Killing Eve, Phoebe Waller-Bridge confirme son talent et sa passion pour l’écriture de personnages féminins uniques. La scénariste confie au Guardian son secret : "la rage". Ce feu brûlant, cette passion, cette combativité, cette force et cette intelligence qui ressortent des personnages écrits par Phoebe Waller-Bridge proviennent de là : "De bonnes choses peuvent sortir d’un état de rage. C’est galvanisant. Un réalisateur m’a dit un jour que j’avais ce don de la rage et ce sentiment ne m’a pas quitté". Alors que Fleabag se termine après 2 saisons et que Killing Eve entame sa troisième salve d’épisodes, Phoebe Waller-Bridge continue d’exercer son talent dans l’ombre en produisant Run, une série HBO créée et écrite par Vicky Jones, sa comparse de toujours. Bien qu’elle ne soit que productrice exécutive sur cette nouvelle série, diffusée depuis le 12 avril, l’aura de Phoebe Waller-Bridge plane sur Run tant le ton, l’humour et l’esprit résonnent avec ses précédentes créations. Cette série raconte l’histoire de deux anciens amants qui honorent un ancien pacte et s’enfuient ensemble pour échapper à leurs vies compliquées. L’actrice y fait même une petite apparition, soignée et savoureuse, signe de son talent indéniable.
Killing Phoebe
Sa verve et son grain de folie ont attiré les grosses productions puisqu'elle a prêté sa voix au droïde L3-37 dans Solo : A Star Wars Story alors même qu'elle n'y connaissait pas grand chose à Star Wars. Mais c'est une autre franchise qui va lui permettre de réaliser un rêve fou : Daniel Craig, James Bond en personne, a sollicité Phoebe Waller-Bridge pour améliorer le scénario de Mourir peut attendre, réalisé par Cary Joji Fukunaga et prévu pour le 11 novembre prochain. Phoebe Waller-Bridge a été appelée à la rescousse pour réviser le scénario de ce 25ème volet qui manquait de fantaisie selon l’interprète de l’agent 007. Souvent taxé de misogynie, le personnage de James Bond n’a pas à être modifié selon la principale intéressée. Dans une interview pour Deadline, elle a évoqué son rôle dans le coup de main qu’elle a donné sur le scénario tout en précisant qu’elle a été traité avec le plus grand respect et en tant que scénariste à part entière :
Il y a eu énormément de discussions sur la pertinence ou non [de la franchise] aujourd’hui, notamment sur ce que James Bond incarne et la façon dont il traite les femmes. Ce sont des foutaises ! Je pense qu’il est absolument pertinent. La franchise doit simplement évoluer et la chose la plus important, c’est que le film doit traiter correctement les personnages féminins. [James Bond] n’a pas à le faire. Il doit rester fidèle à ce qu’il est.
Au journal britannique The Independent, elle avoue qu’il s’agit d’un rêve qui se réalise. On lui a offert de poser un vrai regard sur le scénario de Mourir peut attendre : "Il s’agissait vraiment d’offrir différentes alternatives. On m’a donné plusieurs scènes en me demandant d’écrire d’autres possibiltés, d’avoir une autre idée de la direction qu’elles pourraient prendre au milieu, ou comment elles pourraient se finir". En attendant de découvrir ce vingt-cinquième volet de James Bond, très attendu par les fans depuis son report en novembre suite à l’épidémie de coronavirus, le seule-en-scène Fleabag que Phoebe Waller-Bridge a repris en 2019 pour d’ultimes représentations a été filmé au Wyndham’s Theatre de Londres et il est visible en ligne depuis peu. Proposée à différents tarifs, cette captation de son one-woman show faite par Vicky Jones verra une partie des bénéfices être distribuée à deux associations qui viennent en aide aux personnes qui luttent pour soigner les malades du Covid-19.
Avec des productions bien présentes en ce moment et malgré un stand by des industries cinématographique et audiovisuelle à cause de la pandémie, Phoebe Waller-Bridge sera à nouveau sur le devant de la scène lorsque Mourir peut attendre sortira au cinéma et dans de nouveaux projets qu’on espère tout aussi excitants grâce à sa boite de production Wells Street Films. Elle la supervisera avec l’aide de Jenny Robbins et Charlotte McBrearty, deux anciennes collaboratrices, pour produire des films et des séries pour Amazon, à la suite d’un contrat d’exclusivité de 20 millions de dollars par ans sur trois ans que Phoebe Waller-Bridge a signé il ya quelques mois. Preuve, s’il en fallait encore une, que plus rien n’arrête Phoebe Waller-Bridge.
La bande-annonce de Fleabag, la série qui a révélé Phoebe Waller-Bridge :