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    Pourquoi Triple Frontière nous fait penser à un jeu vidéo [SPOILERS]

    Dans le blockbuster qui réunit Ben Affleck, Oscar Isaac, Pedro Pascal, Charlie Hunnam et Garrett Hedlund, l'action cède peu à peu la place à une réflexion sur la nature humaine. Mais pour trois raisons, c'est quasiment un jeu vidéo !

    Attention, l'article qui suit dévoile des rebondissements importants de l'intrigue. Il est préférable d'avoir vu le film avant de poursuivre la lecture…

    1. Parce que les éléments de base sont là

    Après la courte introduction du contexte militaire, la première séquence d'action de Triple Frontière fonctionne comme un tutoriel de prise en main. Le spectateur découvre ainsi le personnage principal, Pope (Oscar Isaac), et ses aptitudes : il sait viser, tirer, courir, coordonner une action de groupe… Soient les commandes de base qui servent à un joueur pour s'approprier son personnage.

    Ensuite, avant que la mission ne démarre vraiment, les membres de cet escadron sont présentés dans leur milieu "naturel", lors de courtes séquences où le spectateur en apprend un peu sur chaque backstory, sans qu'on y revienne vraiment avant la conclusion du film. Cette caractérisation assez succincte fonctionne à la façon des vidéos d'introduction des personnages jouables dans les jeux de combat.

    Enfin, une fois l'équipe recrutée, Pope leur demande de choisir leur armement dans un conteneur hyper fourni en artillerie en tout genre : cette scène irréaliste évoque les boutiques et autres pages d'équipement de tout jeu de tir à la première personne, où l'action est suspendue pendant que le joueur choisit son stuff.

    2. Parce que JC Chandor a filmé comme s'il était le 6e homme

    Comme nous l'apprend Netflix dans ce tweet sur les coulisses du tournage, le réalisateur a placé sa caméra au cœur de l'escouade : de la séquence d'introduction à la fuite en canot, les scènes d'action sont filmées à hauteur d'homme. Et dans la mise à sac de la maison, J.C. Chandor s'amuse à faire surgir au premier plan une bouteille d'eau, un sac, de la même manière qu’apparaît le canon de fusil en bas de l'image dans un jeu de tir.

    La caméra du chef opérateur Roman Vasyanov offre par ailleurs aux spectateurs quelques plans très larges et magnifiques : ils introduisent à la façon d'une cinématique chaque nouveau chapitre du récit. La scène d'introduction ? La ville est filmée du ciel. La scène d'observation ? Filmée en champ / contrechamp, elle fait découvrir au spectateur ce que les personnages voient de leur point de vue, pas plus. L'intérieur de la maison sera révélé lorsque les protagonistes y seront.

    La séquence du survol des Andes ? Après une alternance de plans aériens, le spectateur est assis à la place de Catfish, le pilote joué par Pedro Pascal, en vue à la première personne, et parfois en vue à la troisième personne, lorsque l'aéronef est filmé de derrière mais au plus près des obstacles, comme dans un jeu de vol.

    3. Parce que les décors nous rappellent…

    Ghost Recon, Splinter Cell, Battelfield, Call of Duty… Autant de sagas vidéoludiques qui mettent en scène des soldats ou des paramilitaires dans des paysages sudaméricains.

    Evidemment, le parti pris du film de J.C. Chandor est plus réaliste que la plupart de ces jeux et la deuxième partie du long métrage insiste sur les difficultés des coéquipiers à exfiltrer leur magot. Le récit tourne alors à la survie mais peut également renvoyer au nouveau mode "Trésor de guerre" du jeu vedette Red Dead Redemption où il faut échapper aux adversaires qui veulent récupérer leurs possessions : c'est l'enjeu-même de ce deuxième acte, qui se termine victorieusement pour Pope et ses associés. La longue descente des Andes dans des paysages de plus en plus désolés renvoie aussi aux mondes vastes voire ouverts comme ceux des sagas Zelda et Minecraft, où le plaisir du jeu n'est pas forcément l'accomplissement d'une mission mais l'exploration du décor jusqu'à ses confins.

    Les cinéphiles répondront que Triple Frontière est avant tout un descendant des grands classiques du septième art que sont Le Trésor de la Sierra Madre et Un taxi pour Tobrouk, récits de survie en milieu hyper hostile dans lesquels se révèle le caractère moral (ou pas) des personnages. Ils auront raison, mais pas seulement : Triple Frontière est une démonstration supplémentaire de l'importance prise par l'écriture vidéoludique dans la structure des récits de divertissement. Certes, il manque toujours l'interactivité. Mais comme on l'a vu fin décembre 2018 avec Bandersnatch, l'épisode de Black Mirror "dont vous êtes le héros", la technologie est au point et d'autres productions de ce genre devraient arriver sur Netflix.

    Et vous, si vous aviez eu le choix, auriez-vous chargé tous les billets dans l'hélicoptère ?

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