Park Chan-wook : rétrospective en huit films - Page 2

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"La situation prévalant de longue date selon laquelle la péninsule coréenne n'est ni en guerre ni en paix est terminée." Déclaration officielle de la République populaire démocratique de Corée - samedi 30 mars 2013.

De quoi ça parle ?

Deux militaires coréens sont assassinés sur le pont du Non-Retour à la frontière de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Une enquête est menée par le sergent Sophie E. Lang d'origine suisse. Elle va tenter de reconstituer le drame avec l'aide du sergent Oh Kyeong-Pil suspecté de connaître la vérité.

Ce qu'il faut savoir

Pour son troisième long-métrage, Park Chan-wook frappe fort en décidant d’évoquer la situation des deux Corées. A l'époque, les relations entre les deux pays étaient moins tendues qu’aujourd’hui et avaient vu leurs deux représentants respectifs, Kim Jong-Il et Roh Moo-hyun, se rencontrer lors d'un sommet historique. Intéressé avant tout par le point de vue humain et la place qu’occupent les hommes dans ce conflit qui dure depuis maintenant cinquante ans, le cinéaste n'en oublie cependant pas les tenants politiques qui bloquent tout espoir de réconciliation.

Joint Security Area mêle différents genres et se présente successivement comme un film d'enquête (avec un whodunit dont la résolution sera finalement rapide), un récit de guerre et enfin comme un drame. En s'intéressant à une poignée de personnages, il nous permet d'être beaucoup plus proches d'eux et d'adopter leur point de vue, que nous soyons coréens ou non d’ailleurs. Le seul personnage à incarner la neutralité, la suisse d'origine coréenne Sophie Lang (interprété par Yeong-ae Lee que le cinéaste retrouvera dans Lady Vengeance) enquête sur un simple meurtre dont les conséquences pourraient fort bien pousser les deux nations à entrer en guerre. Sa vraie découverte sera finalement la façon qu'ont les deux camps de traiter les informations (Nord comme Sud ont recours à la censure et à la propagande) et aux futiles tensions qui empêchent deux hommes, dont le seul tort est de se trouver de part et d'autre d'une ligne, de pouvoir échanger et communiquer, sous peine d'être accusés d'espionnage ou de trahison.

Un film humaniste et non politique

Avec ce film, il est hors de question de réellement prendre parti mais bien au contraire de montrer les abus complètement dérisoires des deux pays en matière de sécurité intérieure. Et le cinéaste n'hésite pas à afficher un profond dégoût du corps militaire, dont l'application à obéir aux règles pousse les hommes à s'enfermer peu à peu dans une situation intenable (qui poussera d'ailleurs l'un d'eux à se défénestrer). Et c'est d'ailleurs par peur de ce système que la fusillade éclatera, puisque découverts, les amis ouvriront le feu les uns sur les autres pour cacher aux yeux du monde leur « crime ». Etrange paradoxe que cette situation au cours de laquelle Lee Byung-Hun, terrassé par les remords d’avoir abattu un ami, sera célébré en héros par sa patrie pour avoir tué "deux cocos" selon les dires de son supérieur.

Filmé à travers le point de vue des hommes et pas des institutions qui les dirigent, Joint security area exprime son dégoût d’une situation qui sépare en deux un pays depuis cinquante ans et dont la résolution semble pourtant à portée de n’importe quel individu responsable. Deux idéologies pour une seule langue, la réunification des deux peuples semble possible et pourtant inaccessible tant que les deux armées ne sauront faire le premier pas l'une vers l'autre. Œuvre pessimiste ? Treize ans après la sortie du film, la situation a fortement empiré avec notamment l’accession au pouvoir de Kim Jong-un qui semble déterminé à camper sur des positions hostiles.

L'anecdote en +

Dès sa sortie, le film a déclenché un véritable raz-de-marée dans les salles de cinéma, devenant alors le plus gros succès enregistré en Corée du Sud. Son succès est d’ailleurs tel que Quentin Tarantino l’a classé parmi les films réalisés depuis 1992 qu'il préfère.