"Ta dadam, ta dadam, tadam dadam dadam..." Ahh les quelques notes au piano de la fameuse BO de Jurassic Park composée par le virtuose John Williams, superbe et reconnaissable (comme toutes les musiques du maestro) entre mille. C'est comme si l'on n'avait jamais vraiment quitté Isla Nubar en cette année 1993. Spielberg avait su créer une ambiance si particulière, une sorte de film à mi-chemin entre science-fiction, catastrophe et thriller et avait grandement respecté l’œuvre de feu Michael Crichton. Bien entendu le film n'était pas exempt d'imperfections mais tenait la route et mine de rien nous offrait à la fois du divertissement ainsi qu'une profonde réflexion sur la folie des hommes, les miracles de la vie ainsi que sur notre fascination pour nos lointains prédécesseurs. Maintenant, que me vient-il à l'esprit après visionnage de son successeur spirituel Jurassic World ?
Eh bien tout simplement que j'ai eu raison de ne pas me précipiter dans une salle obscure pour le découvrir. Plus j'avançais dans le film plus je ressentais quelque chose de désagréable, un peu comme quand vous sentez que l'on se paye royalement de votre caboche... Nul besoin d'enfoncer gratuitement ce film pour la simple et bonne raison qu'il le fait très bien tout seul. Résumé puis explications :
Nous retournons donc sur Isla Nubar, 22 ans après les évènements du 1er opus. John Hammond, le fameux milliardaire excentrique créateur du premier parc est mort mais son projet a pu aboutir grâce aux efforts de Simon Masrani (Irffan Khan) : Jurassic Park est donc devenu Jurassic World et attire plus de 20 000 personnes venues contempler les créatures préhistoriques qui le peuplent. Dans le même temps, Zach (Nick Robinson) et Gray (Ty Simpkins) sont envoyés là-bas par leurs parents en instance de divorce rejoindre leur tante Claire (Bryce Dallas Howard), gestionnaire du parc supervisant l'équipe scientifique. Il se trouve que son équipe a mis sur pied un projet visant à créer ni plus ni moins un dinosaure totalement inédit et à le présenter en tant que nouvelle attraction. Entretemps, Owen Grady (Chris Pratt) et son collègue Barry (Omar Sy) perfectionnent leur aptitude à dompter des vélociraptors, ces derniers étant convoités par le responsable sécurité Vic Hoskins (Vincent d'Onofrio) pour leur potentiel en combat. Owen est convoqué par Claire, à la demande de son patron, afin d'établir le profil comportemental du nouveau spécimen nommé Indominus Rex. Problème : la bête se révèle bien plus dangereuse que prévu, parvenant à s'échapper de son enclos et à faire du dégât autour d'elle. Les vieux démons du parc se réveillent et la traque commence...
Déjà lorsque j'ai su qu'il y aurait un nouveau dinosaure créé de toute pièce par l'homme façon monstre de Frankenstein, combinant les gènes de plusieurs théropodes connus (
deux-trois micro-gouttes d'ADN de T-Rex, de Vélociraptor et de Carnotaurus le tout mixé avec celui d'une variété de sèche et de grenouille
), j'ai froncé des sourcils en me disant : "Ok, en gros les concepteurs du nouveau parc n'ont rien tiré des leçons du premier, ça part mal". Pire :
l'un des scientifiques en question est Henry Wu (B.D Wong), celui à qui Alan Grant avait demandé avec inquiétude "Vous avez créé des raptors ?". Question : quand vous avez affaire à des généticiens qui n'ont pas été en mesure d'anticiper leurs erreurs quant à l'usage de l'ADN de certaines espèces animales pouvant induire des mutations non-désirées, pourquoi les embaucher de nouveau pour créer sciemment une machine à tuer ?"
Oui parce que disons le tout de suite cet Indominus Rex n'est pas un prédateur commun, attention spoiler-pavé :
en plus d'être plus gros et féroce il est aussi rusé qu'un raptor au point de créer une diversion pour faire croire qu'il s'est échappé, de tromper des caméras thermiques, d'arracher son implant GPS quitte à s'automutiler et s'en servir pour tromper ses poursuivants ! Et pour bien montrer à quel point les scénaristes ont dû se mater la série Hannibal durant la rédaction de leur script, voici le scoop: le monstre ne tue pas par instinct mais simplement par plaisir, génial c'est vrai qu'on n'avait pas encore songé à créer un prédateur psychopathe par-dessus le marché ! Enfin que dire de sa capacité à se prendre une flopée de balles de gros calibre dans le buffet et même la roquette d'un bazooka sans broncher ? En gros on a plus affaire à un pseudo-Godzilla ou à une créature digne de Monster Hunter plutôt qu'à un véritable dinosaure.
Bref si le bestiau a convaincu certaines personnes, moi je vois juste une énorme balle que les scénaristes se sont tirés dans le pied. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué au point que ça en devienne bas-du-front ?
Et encore si c'était la seule aberration du film... parfois on tombe sur des perles d'incohérence comme
des ptérosaures libérés de leur volière par Indominus Rex qui techniquement s'enfuient par instinct de survie avant de se mettre à becqueter plusieurs touristes parce que bah voyons, les émotions fortes ça creuse et qu'ils se sont demandés si la chair humaine était aussi bonne que le hareng qu'on a l'habitude de leur servir.
Sans parler des éléments tellement absurdes, dignes de films de série Z où le geste le plus sensé qui me venait à l'esprit était le facepalm :
on nous montre un ptérosaure capable de faire du surplace au-dessus d'une foule paniquée s'échappant par une porte du parc... sans déconner, ce genre de reptile était aussi doué pour le vol stationnaire que l'albatros ! Ah et peut-on reparler d'un autre spécimen, un rhamphorhynchus cette fois, issu de manipulations génétique douteuses au point de se voir affublé d'une gueule de T-Rex ?"
En fait je crois que la dépiction d'un T-Rex combattant un stégosaure (deux animaux qui n'ont pas vécu à la même période) dans le classique et intemporel Fantasia de Disney était bien plus crédible que ce qu'on nous propose dans Jurassic World, c'est dire...
Et ceci les amis n'étaient que les critiques au niveau des créatures. Qu'en est-il des personnages ?
On retrouve la débrouillardise et la complicité qui existait dans le duo fraternel Tim-Alex avec Zach et Gray, bien que j'ai trouvé le personnage de Zach mal écrit : en clair ne vous attendez pas à trouver autre chose qu'un ado con-con bien stéréotypé et chiant à souhait engoncé dans le rôle du grand frère en mode "j'suis trop un rebelle avec mon sweat à capuche, ma belle gueule et mes écouteurs vissés sur le crâne". Gray est plus contrasté, on s'attache à lui de par son manque de confiance et sa naïveté enfantine bien que son engouement au début du film rebute un peu. Owen est une sorte d'entre-deux entre Alan Grant et Ian Malcolm, c'est un personnage polyvalent (à la fois intellectuel, homme d'action et cabotin) mais un tantinet creux. Laura Dern incarnait une Ellie Sattler capable d'aller au bout d'elle-même et de prendre de gros risques tout en ayant une attitude responsable, ici Bryce Dallas Howard joue une Claire Dearing obsessionnelle-compulsive, préférant tout sacrifier à son travail que de se soucier de ses neveux (best tantine ever) et qui ne m'attire pas vraiment de sympathie même lorsqu'elle se retrousse les manches pour aller justement les sauver. Entre Owen et elle, plus les ficelles sont grosses plus ça passe:
comment peut-on apprécier leur romance à deux balles alors qu'elle le prend de haut dans un premier temps, remettant en question (comme tout bon technocrate qui se respecte) son opinion quant aux conditions de création et de confinement de l'Indominus Rex avant de revenir vers lui en larmoyant quand ça part en sucette
, bref on aurait attendu plus subtil quant à la manière dont cette relation se construit (
oui parce que le coup du french kiss au milieu d'une foule paniquée par les ptérosaures... moyen
). Vincent d'Onofrio est passable dans son rôle bien qu'on le sente venir de loin avec ses gros sabots (la subtilité vous dis-je, gros point fort du film) et mine de rien Omar Sy m'a agréablement surpris dans ce second rôle, il arrive à faire en sorte d'être assez remarqué sans user de trois tonnes d'humour US réchauffé comme les rôles principaux nous en gavent le long du film. Irffan Khan tente de jouer un Hammond bis, sauf qu'Hammond apprenait de ses erreurs et laissait tomber son projet en suivant les recommandations de Malcolm : ici on a plus droit au numéro du nabab soit-disant responsable et humble qui en fin de compte succombe à l'envie du "toujours plus de spectacle et de mégalomanie".
Bon honnêtement le film en lui-même s'en tire pas trop mal et il y a certaines séquences qui valent le coup d'oeil :
les mômes qui se réfugient dans le vieux hall d'accueil du premier film et qui remettent en route une Jeep Wrangler aux couleurs de l'ancien parc, le dressage et la traque avec les vélociraptors, le mosasaure très impressionnant bien que cantonné à joué l'attraction d'un Seaworld, le fait que les créatures sont un mélange d'animatronics et de 3D dans la pure tradition des Jurassic Park...
Cependant l'esprit de la franchise, en retrouvant une nouvelle jeunesse, perd son côté suspense et ses retournements de situations au profit d'un esprit blockbuster vu et revu qui commence à devenir lassant et insipide. Sachant qu'un autre film verra prochainement le jour, j'espère que l'équipe de tournage saura rendre ses personnages plus intéressants, son scénario plus consistant, et surtout qu'il ne se reposera pas sur de grosses ficelles sur lesquelles on a tellement tiré qu'elles menacent de rompre. Beaucoup ont dit que Jurassic World était une resucée de Jurassic Park, ce que je dément : il réussit là où le Monde Perdu et JP III comportaient des lacunes, mais il pèche là où le film originel avait su éviter de tomber dans le panneau.